Raymond 🐍 - Mélusine

Il était une fois – les légendes commencent toujours ainsi – un Prince qui vivait heureux, nous comprendrons aisément son bonheur, lorsque nous saurons qu’il était aimé et respecté de ses sujets.

Sa femme était belle à souhait, douce, aimante et fidèle. Enfin, sa fortune était si considérable qu’il fallut creuser le flanc d’une colline pour l’y contenir.

Mais à ce beau tableau, n’y avait-il pas une petite ombre, si, mais légère, très légère, jugez-en. Revenons en arrière.

C’était par une belle journée d’automne comme on en voit rarement sous le ciel d’Albanie. Le soleil brillait d’un éclat inaccoutumé, l’une après l’autre les feuilles …… d’or et de pourpre se détachaient des arbres séculaires et formaient sur le sol un tapis multicolore.

Notre Prince goûtait vraiment la joie de vivre, et pourtant, à ce bonheur il manquait un petit quelque chose ; dans son cœur il n’y avait point d’amour, quand soudain s’éleva un chant mélodieux et la voix qui chantait était du plus pur cristal. Intrigué, notre Prince se dirigea vers le lieu d’où montait ce chant.

Qu’elle ne fut pas sa surprise de voir là, assise sur un rocher, au bord de la fontaine une femme vêtue en ses plus beaux atours, et cette femme était belle, belle, d’une beauté inégalée. Notre Prince compris aussitôt qu’il en était amoureux, que jamais il n'en épouserait une autre.

« Bonjour noble dame, quel bon vent vous amène, et puisque vous passez par mes États, faite moi l’honneur d’accepter le gîte et le couvert ». C’était fée Pressine, la bonne et douce fée Pressine. Beau Prince, répondit-elle, je me suis égarée et suis bien aise de votre aimable invitation.

Le repas fut très animé et fort galant. Fou d’amour, le Prince demanda Pressine en mariage. « J’accepte, je serai votre femme, mais à une condition, une seule, c’est que vous ne chercherez pas à me voir pendant les trois jours qui suivront mes couches » (entre nous, Messieurs, c’était peu demander).

Et notre Prince jura devant les plus grands dieux que jamais il ne chercherait à voir sa femme dans cette période là.

Alors, la fée Pressine passa sa douce main dans la royale main. C’était fait, c’était scellé, c’était juré, et pourtant, et pourtant...

Pressine vécut très bien avec son époux et pendant moult années, ils furent heureux ensemble.

Elle eut trois filles, trois triplées. Toutes trois étaient radieusement belles, mais l’aînée était la plus grande et plus belle encore que ses sœurs. Elle s’appelait Mélusine.




En ce temps là, le roi était allé à la chasse quand on vint le prévenir que trois petites princesses étaient nées, les plus belles qui soient au monde.

Elinas, c’était son nom, fût ravi de cette nouvelle, mais oublia-t-il le serment qu’il avait fait, ou bien en sous-estimait-il l’importance ?

Quoi qu’il en soit, il se précipita au chevet de la reine pour l’embrasser.

Elle l’arrêta du geste, « qu’as-tu fait là ? Tu as ainsi brisé la chaîne de bonheur qui nous unissait ». Adieu mon doux ami, toi que j’ai tant aimé et sur ces parole, elle disparut, elle et ses trois filles.

Nous les retrouverons toutes les quatre sur les sommets déserts de l’Ile Perdue, qui est aussi le pays des sept fleuves, des sept plaines et des sept montagnes.

Rochers inaccessibles et dont nul être humain ne pouvait retrouver le chemin invisible qui se refermait derrière lui. C’est de là-haut que Pressine montrait à ses trois filles la riche Albanie avec ses palais somptueux, « C’est là que vous êtes nées et pourriez vivre heureuse si votre père n’eut manqué à son serment ».

Lorsque Mélusine eut quinze ans, elle résolut de venger sa mère, elle associa dans son entreprise ses deux sœurs Mélior et Palestine.

Toutes trois se rendirent en Albanie où elles enlevèrent Elinas et l’enfermèrent avec toutes ses richesses dans un haute montagne nommée Brandebois d’où, par la suite, il s’évada.

Après cette expédition, elles vinrent en informer leur mère, qui leur dit « Malheureuses ! Qu’avez-vous fait là, j’aimais votre père, malgré qu’il eut agit de la sorte avec moi, était-ce à vous de le punir ? A votre tour vous serez punies, toi Mélusine qui a engagé tes sœurs à commettre ce crime, je déclare que tu seras tous les samedis serpent depuis la ceinture jusqu’au bas. Mais si tu rencontres quelqu’un qui veuille t’épouser, fait qu’il te promette de ne point te voir ce jour là. Tu vivras alors ton cours naturel et mourra comme une autre femme. Il sortira de toi une puissante lignée qui règnera sur plusieurs nations. Si par malheur, ton mari viole la promesse qu’il t’a faite, tu retomberas dans tes premières peines. Voilà la fatalité à laquelle tu es attachée.

Quant à toi Méliore, tu habiteras un superbe château dans la grande Arménie où tu garderas un épervier jusqu’au temps où le rédempteur viendra juger les hommes.

Toi, Palatine, tu seras enfermée dans la montagne de Guido, où, après sa mort, je ferai transporter ton père avec ses trésors.

Tu y resteras jusqu’à temps qu’un chevalier de notre famille vienne te délivrer.

L’histoire pourrait se terminer là, nous laisserions notre Prince, dit la légende, errer de par le monde à la recherche de sa femme, de ses filles et de son bonheur perdus, mais l’histoire ne se termine pas là.

Nous en trouvons la suite bien loin de la lointaine Albanie, tout près de chez nous, en Poitou.

Ce jour là, le Comte de Poitiers, chassait accompagné de son neveu préféré Raimondin. Déjà, s’entassait sur les chariots des chevreuils, des daims, des lièvres, mais pas le plus petit marcassin.

Justement le neveu en faisait l’observation au Comte, quand soudain, apparut un sanglier si grand, si gros, que jamais de mémoire d’homme on n'avait vu son pareil en ces lieux.

De temps à autres, l’animal se retournait et éventrait deux ou trois chiens, si bien qu’au bout d’un certain temps, il n’y avait plus à ses trousses que Raimondin et le Comte qui le perdirent bientôt de vue.

Les ombres de la nuit commencèrent à descendre, ils arrivèrent dans une clairière et s’étendirent sur le sol pour y attendre le jour. Tout à coup, un bruit se fit dans le fourré, l’animal était là, redoutable, terrible, menaçant et il fonça sur les deux hommes.

Le Comte saisit son épée et en asséna un coup violent mais l’arme glissa sur la peau du sanglier et le Comte tomba à genoux. Raimondin pris son épieux,, mais le coup porté fût si fort qu’il traversa l’animal et que la pointe vint heurter le comte qui fût occis sur le champ.

Ce funeste accident le jeta dans la consternation, lui qui aimait tant son oncle, il l’avait tué.

Il répandit sur le Comte des torrents de larmes. Que faire ? Retourner à Poitiers ? Jamais on ne voudra croire à un aussi stupide accident et puis, ne lui ferait-on pas un mauvais parti ?

La pire des solutions était en son cerveau, alors, il enfourchât son cheval et lui laissant la bride sur le cou, se laissa conduire dans un pays qui, plus tard, s’appellera Lusignan.

Il arriva près d’une fontaine située dans un endroit fort agréable, que les gens de la région appelaient la fontaine des fées, car il était arrivé en cet endroit plusieurs choses extraordinaires et merveilleuses.

Pour lors, il y avait trois dames qui s’ébattaient nues en cette fontaine.

A la vue de Raimondin, deux disparurent comme par enchantement. La troisième, qui était la plus belle, resta. « Bonjour beau chevalier, je sais que vous venez de tuer votre oncle dans un accident de chasse épouvantable, mais si vous faites ce que je vous dis, il ne vous arrivera rien de fâcheux. Vous allez tout simplement vous associer au deuil et déclarer que le Comte s’était séparé de vous, et que la blessure qu’il portait était le fait du sanglier. »

Raimondin compris que jamais il n’aimerait d’autre créature tant celle-ci était belle.

Elle lui dit : « Il faut promettre de m’épouser quand je vous aurai fait sortir du malheur où vous êtes tombé » « Très volontiers ma demoiselle, je vous en donne parole de chevalier. »

« Et ce n’est pas tout, il faut que vous me juriez – cette chose est nécessaire pour notre commun bonheur – que pendant tout le temps que je serai votre compagne, vous ne vous inquiéterez point de ce que je ferai, ni deviendrai le samedi. »

« je vous le jure – sur ce qu’il y a de plus sacré, répondit Raimondin. Que le ciel me punisse si jamais je viole la promesse que je vous fais aujourd’hui. »

Et demain, continua la demoiselle, vous partirez pour Poitiers, où vous rencontrerez tous les grands seigneurs venus rendre hommage au Comte Bertrand, le fils du défunt, de leurs terres et de leurs biens. Attendez qu’ils soient tous passés et vous demanderez une chose qu’il ne saurait vous refuser. Vous lui demanderez la possession de la roche qui est au-dessus de la fontaine de la soif et autant de terrain qu’un cuir de cerf en pourra contenir.

Ce qui fut fait. « Je vous le donne de bon cœur, et pour l’amitié que je vous porte, mon cher cousin, je vous décharge à perpétuité de tous hommages y afférant ».

Un cuir de cerf c’était peu, mais avec ses doigts de fée, Mélusine le découpa en lanières si fines qu’il y en eu bien trois ou quatre lieues.

Alors, chose merveilleuse, au dernier jalon que l’on planta jaillit une source et on l’appela « Lamourette ».

Puis arriva l’époque des épousailles.

Bien entendu, on invita tous les nobles, les grands et les puissants de la région, à commencer par le Comte de Poitiers. Il fut émerveillé par le spectacle qui s’offrait à ses yeux.

Là où il n’y avait que la forêt immense, se dressait maintenant une chapelle bien bâtie, et ornementée de nombreuses pierres finement sculptées.

Un grand nombre de pavillons magnifiques étaient là pour recevoir les invités. L’un d’eux qui servait de salle de réception était plus luxueux que les autres. Des diamants et des ors en tapissaient les murs.

Je ne dirai point l’ordonnancement des services et l’abondance des mets. Disons seulement que tout y était délicat et d’un goût exquis.

L’excellence des vins répondait à la qualité des mets. On y mangea beaucoup, on y but agréablement et tout se termina par un toast porté à la santé des jeunes époux.

Mélusine fort contente confia à Raimondin son intention de construire ici, sur cet éperon rocheux, une forteresse si puissante qu’elle serait quasiment imprenable.

Les travaux commencèrent peu de temps après, ils furent poussés avec tant de diligence que tous ceux qui avaient vu ces merveilles en étaient surpris.

Ils furent achevés rapidement et on appela ce lieu Lusignan.

Sur ces entrefaites, Mélusine accoucha d’un fils qui reçu le prénom de Guy. Il avait le corps bien fait, mais son visage était large et court et il avait des oreilles prodigieusement grandes.

Néanmoins, Mélusine lui donna une bonne nourrice et il profita beaucoup.

Après une expédition en Bretagne d’où il sortit vainqueur, Raimondin reprit le chemin de Lusignan.

Lorsqu’il arriva, c’est à peine s'il reconnut les lieux. Tout s’y était agrandi. Le bourg qui était au pied de la forteresse ressemblait à une ville. Il était ceint de bonnes murailles flanquées de grosses tours avec de larges fossés.

Il est impossible d’exprimer la joie qu’ils eurent à se revoir après une aussi longue absence.

Raimondin fit une narration détaillée à son épouse de tout ce qui était arrivé et qui se terminait par sa victoire. Peu de temps après l’arrivée de Raimondin, Mélusine accoucha d’un second fils qui s’appela Odon.

Il avait en naissant une oreille plus longue que l’autre. Par ailleurs, il était bel et grand, très bien fait de sa personne. Quand Raimondin se fut un peu reposé des fatigues de son voyage, il seconda Mélusine dans la construction de plusieurs villes, notamment Melle, Vouvant, Saint-Maixent et son abbaye, le fort et bourg de Parthenay, qu’ils rendirent à peu près imprenable. Elle jeta les fondements de La Rochelle et de son château. Elle bâtit encore Pons, rétablit la citadelle de Niort, puis Santona (aujourd’hui Saintes) et Royan. Enfin, elle construisit en Poitou un grand nombre de châteaux forts.

Le troisième fils qu’elle eut, fut appelé Urian, c’était un bel enfant, mais chose curieuse, il avait un œil plus haut que l’autre. Le quatrième reçu le nom d’Antoine. C’était le plus beau garçon du monde, mais il portait sur la joue, une griffe de lion,. Le cinquième Reignaud, chose étrange n’avait qu’un œil, mais il y voyait à plus de quatre lieues à la ronde.

Le sixième s’appela Geoffroy, bel enfant, mais il avait une dent d’un pouce qu lui sortait de la bouche. Ce dernier appartient à la légende et à l’histoire. Le septième reçu le prénom de Froimond. Il était bien tourné, mais il avait au bout du nez une petite tâche velue. Il se fit moine en l’Abbaye de Maillezais.

Le huitième Raimon, le neuvième Thierry, qui fonda l’illustre branche des Parthenay. Le dixième, Horrible fut tué sur le conseil de sa mère.

Tous, ou à peu près, eurent des destins prestigieux. C’est ainsi que Guy devint roi de Chypre et de Jérusalem, après avoir épousé la princesse Hermine, d’une beauté remarquable. Le deuxième Urian devint roi d’Arménie. Odon fut Comte de la Marche. Antoine élu duc de Luxembourg. Regnault roi de Bohême. Geoffroy la grand’dent fut un illustre chevalier, Seigneur de Vouvant et de Lusignan, doué d’une force herculéenne. C’est lui qui fut appelé pour détruire les monstres et les géants qui infestaient le pays.

Mais, ici-bas, tout a une fin. Le bonheur itou, tant de prospérité touchait à son terme.

Ce jour-là - un jour néfaste s’il en fut – Raimondin eut la visite de son frère le Comte de Forez. C’était un samedi, un jour où Mélusine n’était pas visible, et ce, pour personne, pas même pour son mari, en vertu du serment qu’il avait fait avant son mariage. Le Comte de Forez insista pour la voir. Il dit à Raimondin : " Comment mon frère, vous n’êtes pas au courant des bruits qui circulent contre votre honneur. Les uns assurent qu’elle avait un rendez-vous avec un galant, les autres qu’elle était un esprit satanique qui faisait pénitence ces jours là. "

Raimondin ne voulut pas en entendre davantage, et se leva tout furieux pris son épée et se dirigea vers ces lieux redoutables. Il y trouva une porte de bronze. Alors, il se saisit de son épée qu’il savait de bonne trempe et il y pratiqua un trou par lequel il vit Mélusine qui se baignait dans une cuve de marbre. Elle était toute nue et était dans l’eau jusqu’à la ceinture. La partie supérieure de son corps était comme à son ordinaire … Quant à la partie inférieure, elle se terminait par une longue queue de serpent. Il trouva un peu de cire pour boucher le trou qu’il avait fait et fou de colère retourna vers son frère.

Il s’écria « Fuyez d’ici, triste sire, et sans délai, sinon mon épée vous traversera le corps ». Connaissant la valeur de la menace, le Comte de Forez rassembla aussitôt ses hommes d’armes, qui étaient au nombre de quatre et ils partirent de toute la vélocité de leurs coursiers.

Sur ces entrefaites, Geoffroy, la grand’dent, commit une mauvaise action.

Son frère Froimond s’était fait moine en l’Abbaye de Maillezay. En l’apprenant, Geoffroy entra dans une grande colère. Prétextant que tous les Lusignan devaient être des hommes d’armes au service des faibles, des orphelins et des affligés, il prit une décision terrible.

Se saisissant de sa bonne épée, celle dont la lame avait été forgée aux Fournaises Infernales, il abattit autant de chênes qu’il en fallut pour faire une énorme bûcher. Il en recouvrit l’Abbaye et y mit le feu.

Les moines surpris dans leur sommeil furent tous brûlés.

Raimondin en apprenant ces faits conçut une violente colère et il dit à sa femme : « Vous m’avez déçu et abusé par charme et sortilège, vous m’avez fait contracter une union sacrilège avec un esprit fantôme », et il dévoila le secret de pénitence du samedi.

A ces mots, Mélusine, les larmes aux yeux, tomba pâmée. Elle lui dit : « Mon doux ami, vous, que j’ai tant aimé, vous avez trahi la promesse que vous m’aviez faite de ne pas me voir le samedi. Il me faut vous quitter et abandonner ces lieux que j’ai tant chéris ». Et tout le monde qui était là versa des flots de larmes car elle était extrêmement aimée.

Cette triste scène se déroulait à Vouvant. Comme elle disait ces mots, on remarqua que son beau visage s’allongeait et se défigurait, que sa peau devenait écaillée que ses bras prenait la forme de deux ailes de chauve-souris.

Un moment après, s’élevant sur la fenêtre, elle se muât en un serpent qui faisait bien quinze pieds de long. Il fit trois fois le tour du château en poussant des cris déchirants, puis fonçât vers Lusignan, vola par sept fois autour de la tour Mélusine en poussant d’horribles cris et dans le firmament disparut à tout jamais …

Elle s’en fut dans les montagnes du Dauphiné, à Sassenage dit-on.


Source : Raymond Margnac

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