Histoires de bateaux 🚢 - Le navire Ducouëdic

Depuis 1937, notre grand-père Georges Cadel était déjà copropriétaire d'un chalutier, le Ducouëdic.

On nous racontait, quand le cafard ou la nostalgie était de sortie, que dans la famille, les bateaux nous avaient toujours porté malheur et que le meilleur exemple était celui du Ducouëdic, ce chalutier faussement accusé d'abordage et et dont l'exploitation souffrit des longs mois d'enquête et des procédures judiciaires qui durèrent une douzaine d'années.

ducouedic-papier-lettre.jpg ducouedic-enveloppe

 

A part quelques lettres de ma grand-mère sur le papier à en-tête du Ducouëdic, c'est à peu près tout ce que j'en savais jusqu'à ce que je commence à classer les 16000 photos de famille que mon mari avait scannées. Et là, en septembre dernier, je tombe sur 16 photos du Ducouëdic qui font remonter à ma mémoire quelques flashes, des éléments épars de discussions familiales que je redécouvrais. J'en fait un diaporama (en maintenance pour le moment) et je décide de tirer sur le fil qui dépasse de mon écheveau de souvenirs.

Je vous raconterai donc ce que j'en ai trouvé. Mais vous pouvez bien sûr contribuer, je vous en prie bien volontiers.

...

Jusqu'au début de 1946, le chalutier était réquisitionné et sa pêche allait toute à l'État Français dans des conditions juridiques que je n'ai pas encore élucidées. (On peut déjà lire à ce sujet --->>>) Selon les lettres de ma grand-mère, le 19 novembre 1945, le Ducouëdic pêchait en Méditerranée pour l'État Français et le 10 janvier 1946, il pêchait depuis son port d'attache de Concarneau pour le compte de son armateur.

Dans la nuit du 31 décembre 1948 au 1er janvier 1949, l'équipage recueille dans la rade de Lorient un marin, Robert Layec, qui dérivait depuis une demi-heure accroché à une bouée et qui déclare être le seul survivant de l'équipage du Robert-Marie, un petit chalutier qui venait de couler. 9 hommes sur 10 avaient disparu, noyés. Aux affaires maritimes, on enregistra les déclarations de Paul Le Grel, le capitaine du Ducouëdic et de Robert Layec, le marin rescapé du Robert-Marie.  L'affaire est classée comme infortune de mer. Sauf que l'armateur du petit chalutier,  Robert Laffite, lance alors depuis sa radio une grave accusation : que le Robert-Marie avait été éperonné par un bateau inconnu, qui, au fil des heures se transforma en Ducouëdic. Il récuse les déclarations de son marin et du capitaine du Ducouëdic, qu'il accuse de de connivence et porte plainte. Une enquête est ouverte, le Duouëdic est consigné à quai plusieurs mois, les procédures judiciaires durent plusieurs années. Il faudra aller jusqu'en cassation pour que le Ducouëdic soit blanchi, que la parole des marins soit reconnue et Robert Lafitte condamné pour diffamation.

Détective Ducouëdic Histoires des marins de Groix

Les accusations de Laffite avaient causé remous et rumeurs de toutes sortes. On parlait d'un sous-marin qui en sortant de la rade aurait éperonné le petit bateau. Le magazine Détective s'empara de l'affaire et publia même une enquête dans ses numéros 166 et 167 de septembre 1949.

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L'histoire a même été racontée sous une forme romancée dans un ouvrage sur les marins de Groix. Car 5 des marins du Robert-Marie étaient  groisillons.

J'ai découvert sur le web trois documents, entre anecdotes et souvenirs qui racontent l'affaire, deux qui abondent dans le sens de la décision de justice et un qui n'émet pas de doute sur la culpabilité du Ducouëdic : 64 ans après le drame, les avis sont toujours aussi partagés.

La première découverte, sur la chronique familiale d'Enguerrand Gourong, est un article "certifié" par Robert Layec, le matelot survivant du chalutier Robert-Marie. Note : Robert Layec est décédé le 20 juillet 2009.

 

Chronique familiale d'Enguerrand Gourong
Le 1er janvier 1949, le chalutier "Robert-Marie" coule au large de Penmarc'h. Il fait mauvais temps. A bord, 10 hommes dont 5 de Groix, 9, parmi lesquels le mousse, disparaissent. Ils laissent 7 veuves et 21 orphelins. Il n'y a qu'un survivant, un marin du continent, Robert LAYEC. Il raconte que le chalutier, commandé par Pierre RAUDE, a coulé vers 4h30, à la suite d'une voie d'eau survenue après qu'un paquet de mer ait démoli tout l'arrière. Il a réussi à s'emparer d'une bouée de sauvetage et à sauter à l'eau. Il sera sauvé une demi-heure plus tard par le chalutier "Ducouëdic" commandé par le patron LE GREL. L'affaire paraît tragiquement simple et le rapport du Chef de quartier de l'Inscription maritime décrit les choses de cette façon. Pourtant l'armateur du "Robert-Marie", LAFITTE, ne l'entend pas ainsi. Il réfute le témoignage du matelot survivant. Pour lui, son chalutier n'a pas pu couler de cette manière; il dû être abordé par le "Ducouédic". L'équipage de ce dernier et le matelot survivant se seraient mis de connivence pour dissimuler cet abordage. Une enquête conclura à l'infortune de mer. Et le témoignage réitéré récemment par Robert LAYEC, toujours en vie, est très formel Que cherchait l'armateur dans cette affaire qui plongea l'île dans la perplexité ? Voulait-il faire accréditer la thèse de l'abordage afin que l'assurance le dédommageât de la perte de son navire ? Il fut en tout cas condamné pour diffamation par la Cour de cassation. Que l'honneur de R. LAYEC et des marins du "Ducouëdic" soit à tout jamais lavé.

L'une des veuves, l'épouse d'Eugène LE MERLIN, qui avait déjà six enfants, en attendait un septième. Quand il naquit, elle le prénomma Robert-Marie. Une manière comme une autre de perpétuer le souvenir de son mari et de ses infortunés compagnons. Rappelons le nom des cinq marins de Groix disparus : le patron Pierre RAUDE, inscrit n° 3052, né le 1er septembre 1913 à Groix, marié, 3 enfants; le second, Laurent GUÉRIN, inscrit n° 2547, né le 28 novembre 1902 à Groix, marié, 3 enfants; matelots Pierre BIHAN, inscrit n° 2963 H.S., né le 12 juillet ? à Groix, marié, 2 enfants; Hippolyte PÉRON, inscrit n° 2537, né le 26 juillet 1902 à Groix, marié, 3 enfants; Eugène LE MERLIN inscrit n° 2731, né le 1er avril 1906 à Groix, marié, 6 enfants; sans oublier leurs quatre collègues Joseph DREANO, Achille MAINGUY, Yugdual GUINGO et le mousse Marcel JEGO qui avait 17 ans

Article certifié par le survivant Robert LAYEC qui a eut la gentillesse de corriger nos erreurs.

 

Et voici les précisions de Robert Layec :

Messieurs,
J'ai pris connaissance de votre site Internet concernant l'histoire de l'île de Groix et des Gourong et je découvre, à la date du 1er janvier 1949, l'histoire dramatique du naufrage du chalutier " Robert-Marie ".
Il me semble que mon statut de seul survivant de l'équipage de ce Chalutier me permet de demander et d'obtenir les deux rectifications suivantes, d'importance inégale :
- La première - je vous cite : " 9 hommes dont 9 de Groix, parmi lesquels le mousse, disparaissent ".
Je joins à mon envoi un document adressé le 8 janvier 1949 par Monsieur l'Administrateur en chef de l'Inscription Maritime de Lorient à Monsieur l'Administrateur Général Directeur de l'Inscription Maritime à Nantes dans lequel figure la liste des membres de l'équipage du "Robert-Marie " avec mention de leur quartier d'inscription et, dans la plupart des cas, de leur lieu de naissance. Ainsi vous pourrez constater que 5 d'entre eux et non 9 sont a la fois natifs et inscrits de Groix.
- La deuxième et la plus importante pour moi et que je rectifie en une seule phrase :
" L'amateur du " Robert-Marie ", LAFFITE ne l'entend pas ainsi et réfute mon témoignage ". Prétextant que son bateau aurait été abordé d'abord par un navire inconnu. (Je possède encore les journaux de l'époque) et quelques jours plus tard : l'inconnu est devenu le "Ducouedic ", le bateau sauveteur.
Plusieurs enquêtes furent effectuées, d'abord nautiques, P.J de Rennes (sollicitées par LAFFITE) puis par le journal DÉTECTIVE. Affaire qui sera diffusée dans deux numéros successifs. Les numéros 166 du 5 septembre 1949 et le numéro 167 du 12 septembre 1949, avec la signature du célèbre Reporter " HARRY GREY ".
Et des poursuites judiciaires sont prononcées contre cet armateur peu scrupuleux, lequel était dans son lit au moment de la tragédie.
Celui-ci fut toujours condamné pour diffamation et le sera définitivement par décision de la Cour de Cassation, toutes chambres réunies.
J'estime que ce rectificatif de vérité pourra suffire pour effacer le doute qui s'est glissé sur Internet....
Si vous souhaitez d'autres informations je me tiens à votre disposition.
A l'époque, même si j'ai payé dans ma chair de Seul-Survivant, la certitude qu'il n'y a jamais eu d'abordage de la part du "Ducouedic" mais un véritable "Sauvetage Miraculeux", dont je fus malheureusement le seul à bénéficier.
Veuillez croire, Messieurs, à l'expression de mes salutations distinguées.
Robert LAYEC

 

La seconde source semble de la même famille, il s'agit du blog du conteur Lucien Gourong, lui aussi originaire de l'île de Groix.

La troisième est aussi un blog autobiographique http://pages.citebite.com/m2p2l5t4c6xmi . C'est là où l'on trouve la contradiction ...

Je viens de lancer une bouteille à la mer, . Merci à ceux qui m'y ont aidée.

Pierre m'y a trouvé cette carte postale postée en 1911

ducouedic-1911.jpg

Et Alain ce pedigree :

 

Ducouëdic II : patrouilleur – (chalutier).
J : 260/82 tx – 38,15 x 6,73 x 3,71 m – acier - 1 machine alternative à triple expansion développant (306 – 533 – 894 x 635 mm) W. V. V. Lidgerwood développant 550 CV - FNVD.
17/07/1908 : lancement par Smith’s Dock Co Ld (North Shields). N° de chantier : 818.
08/1908 : livraison.
13/06/1916 : requis.
16/01/1919 : dérequis.
20/01/1919 : DM 189 EMG (Démob. Flot. Chalut) du 22/01/1919 le signale rendu par les services de Lorient.
1921 : inscrit au Veritas au compte de de la société Les Chalutiers de Bretagne (Lorient).
1930 : inscrit au Lloyd au compte de la Compagnie Lorientaise de Chalutage (Lorient).
30/08/1939 : requis comme AD 123. Versé à la 24ème Section de Dragage (Lorient).
18/06/1940 : évacué vers le Maroc.
03/1941 : dérequis à Casablanca.

01/1956 : démolition.

à suivre ...




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