À la guerre ⚔️ - 1944 Bulletin du curé de Sainte-Clothilde

La libération de Paris 20 -  25 août 1944
Action de grâces au Seigneur qui s'est souvenu de notre misère

 

Semaine du 13 au 20 août 1944

Nos espoirs de libération s'accentuent chaque matin ; la lecture du Communiqué clandestin rend notre confiance plus assurée : Ils seront bientôt là. D'ailleurs, les Allemands en sont plus persuadés encore que les Français, puisqu'ils déménagent avec une hâte qui n'exclue nullement le pillage organisé ou la destruction méthodique. Les immeubles se vident, les camions démarrent vers l'Est, sous les yeux réjouis et goguenards des Parisiens.

Samedi 19 août

Les alliés sont aux portes : le grondement régulier du canon de plus en plus distinct confirme les dires qui circulent partout. La population s'agite et la Résistance s'organise dans tous les secteurs. Toutefois, le massacre pourrait encore être évités si les Occupants acceptaient la proposition alliée : Paris, ville sanitaire - abri des des blessés allemands. C'est la seule planche de salut pour la population civile.

Dimanche 20 - 16 heures :

Un message radio-diffusé annonce que le Général Commandant le "Grand Paris" accepte en effet l'arrangement Sauveur. Les troupes du Reich doivent quitter Paris et sa banlieue dans un rayon de 20 kilomètres. Allégresse sur toute la ligne : enfin, nous allons être débarassés et ... à bon compte ! Je revois encore le rayonnement des visages en cette sortie de Vêpres dominicales ; pour beaucoup, c'est presque la Victoire ... Hélas ! à 21 heures, déception cruelle : la Radio annonce que tout est définitivement rompu, parce que l'ennemi a exigé le passage de deux divisions poursuivies depuis la Normandie. Le chef américain a refusé bien entendu de souscrire à pareille mise en demeure : il ne nous reste plus qu'à nous délivrer nous-mêmes par la force. Hier soir, ce matin, la bataille s'est déjà engagée entre F.F.I. (1) et Allemands.

Lundi 21

Nos enfants arrivent au Centre de Vacances ; malgré les rumeurs sinistres qui s'amplifient d'heure en heure. Mais vers onze heures, les coups de feu crépitent tout proches. On se bat à l'École Militaire, aux Invalides : il nous faut renvoyer notre monde à la hâte. Toute la journée et celle du

Mardi 22

la fusillade fait rage, coupée d'accalmies qui permettent d'entendre nettement le canon de la banlieue. Depuis trois jours, de nouveaux journaux paraissent : Franc-Tireur, Combat, Figaro, l'Humanité. Les Communistes, jadis brimés, poursuivis par les Allemands, se montrent les plus ardents aux barricades : le mot d'ordre est : "Chacun son Boche". Il y a dans leur fureur une sorte de frénésie révolutionnaire qui fait désirer doublement la délivrance.Ce ne sera pas pour aujourd'hui, ni pour demain,

Mercredi 23

car les îlots de résistance tiennent bon. Les ennemis, fortifiés dans les casernes et les centres militaires parisiens mitraillent les F.F.I. qui organisent des sièges en règle. Beaucoup de victimes... A 10 heures, nouvelle angoisse : le feu au Grand Palais. Un groupe important d'agents s'y étant retranchés, les Allemands ne trouvèrent rien de mieux que d'incendier l'édifice et d'empêcher les pompiers d'apporter du secours. Par trois fois, les tuyaux sont crevés, les sauveteurs tenus à distance par la mitrailleuse boche : toute la partie du Palais réservée au cirque Honck est la proie des flammes. Il faut sauver à tout prix le Palais de la Découverte et l'Exposition des prisonniers... Vers midi, les Allemands, menacés directement par le feu, se retirent et nos braves pompiers se multiplient pour circonscrire le fléau. A quatorze heures, ils en sont maîtres : trois des leurs y laissent leur vie, quelques agents et  F.F.I.  sont également victimes des barbares qui vont désormais multiplier leurs méfaits. Des Allemands camouflés et quelques miliciens abondamment pourvus de munitions se dissimulent sous les toits et, de là, tirent traîtreusement sur les passants à la manière des "Pacos" du "Fronte popular". Le péril est partout. Ainsi s'achève la journée du 23.

Celle du jeudi 24

verra se continuer des scènes d'horreur. Et le ciel est si bleu, le soleil si brillant ! Que Dieu est bon et que l'homme est méchant. Nous prions sans relâche ... quel excitant à la ferveur que l'imminence du danger. De tous côtés, l'on nous dit que la Résistance est à bout, non pas de courage, certes, mais de munitions. Alors ? Mon Dieu, envoyez-nous du secours ! La soirée s'achève et torturés d'angoisse, nous nous dirigeons vers le dortoir... comment espérer le repos, alors que la fusillade crépite à deux pas ? Tout à coup, vers 10 heures 1/2, une rumeur plus puissante que le bruit des armes envahit les rues, les cours, les immeubles ... la radio clame à tous les échos : "LES AMÉRICAINS A L’HÔTEL DE VILLE ! "

Annotation de Ginette Bayle : c'est le jour où j'ai été chercher une carte d'alimentation en face de l'hôtel de ville. Je ne l'ai pas eue, car la bataille F.F.I. - Allemands a commencé. Mais les Américains n'étaient pas là. Signé Éna

Malgré le danger toujours pressant, la foule se précipite dans les rues : la Marseillaise éclate, triomphale, interrompue ici par les coups de feu, elle reprend plus loin avec plus d'élan bientôt couverte par les sonneries des cloches. Tous les clochers parisiens, alertés, se répondent : "Ding ! Dong ! Gloire à Dieu ! Ding ! Dong Paris libéré !" Plus de vingt coups de téléphone adjurent Monsieur le Curé de sonner encore, de sonner plus fort... la nuit, la première nuit de la libération, toute frémissante, crépitante de mitraille - car on se bat encore - nuit blanche et nuit rouge, nuit glorieuse, fait place à la journée culminante, inoubliable du

Vendredi 25

Saint Louis, roi de France. Dès l'aube, beaucoup de monde à l'église ; Monsieur le Curé exulte et stimule l'action de Grâces déjà si vibrante de ses paroissiens ... Mais tout n'est pas fini. Les troupes du Général Leclerc doivent prêter main-forte à nos F.F.I. pour hâter l'expulsion ou la destruction des indésirables. Devant l'École Militaire et le Quai d'Orsay,  des batteries s'installent.

Annotation de Ginette Bayle : Quand Leclerc est arrivé au Champ-de-Mars, nous sommes allés voir les soldats Français dans les tanks. Après 10 minutes d'embrassades, ils nous ont demandé de rentrer chez nous, car ils allaient attaquer l'École Militaire. Signé Éna

Les blindés sont au poste et bombardent sans répit de 11 heures à 15 heures. Vers 16 heures, tout s'apaise et nous apprenons la reddition des troupes de l'École Militaire et du quai d'Orsay. Pour venir à bout de ce dernier retranchement, il a fallu lancer des obus incendiaires sur le toit donnant rue de Constantine : la menace du feu a enfin raison de la résistance allemande. L’îlot du Luxembourg "tiendra" plus longtemps, nous saurons bientôt pourquoi. Ce soir, le Général de Gaulle arrive à Paris et demain 26, à trois heures, défilé triomphal des troupes françaises et alliées.

Samedi 26

"Le jour de gloire est arrivé". Matinée calme et joyeuse. Accueil enthousiaste aux chers Soldats Français, aux Sammies, aux Tommies. A 14 heures, ma Sœur Geneviève et ma Sœur Marguerite-Marie se dirigent vers la cathédrale. Foule dense dans les avenues pavoisées ... quand à 16 heures précises, au moment où, de nouveau, les carillons s'ébranlent, de nouveau aussi la mitraillade recommence. Les miliciens et les traitres, obéissant à un mot d'ordre satanique, déchargent sur les Parisiens des rafales meurtrières.

Dans tous les quartiers, on tue avec un haineux plaisir et la chasse à l'homme s'organise sur les toits, cette fois. Sur tout le parcours du défilé, la mitrailleuse et le fusil font lâchement des victimes. A Notre-Dame, nos Sœurs ont eu très peur et ont du se blottir contre un pilier. Le Général de Gaulle, à peu près seul, est resté debout et très pâle, très droit, a chanté jusqu'au bout le Magnificat. Soirée mouvementée, à la fois glorieuse et tragique. Il y a de la poudre dans l'air. Un sommeil réparateur ferait du bien aux nerfs tendus. Allons-nous pouvoir dormir ? Peut-être ... mais pas longtemps. A minuit, quelques coups de D.C.A., puis un ronflement sinistre : "Les voilà !" Tout le monde sur pied : on pressent une vengeance terrible. Les éclatements se succèdent : à l'Est, au centre, le ciel s'embrase, ce sont des bombes incendiaires et des maisons brûlent. La sirène glapit quand le mal est fait : la D.C.A. donne à plein maintenant, mais trop tard. Au matin du

Dimanche 27

Paris consterné enregistre la mort de 110 victimes. On compte en outre 720 blessés. Les 1er, 5ème, 12ème, 18ème et 20ème arrondissements ont souffert. La Halle aux Vins est en cendres, plusieurs maisons de la rue Monge aussi. C'est le voile de crêpe sur un pavois trop éclatant. C'est peut-être aussi un avertissement salutaire à la population : la guerre n'est pas finie ... C'est en tout cas un appel à la défense aérienne. Dès le matin, les postes de D.C.A. se multiplient sur les places, sur les quais, près des ponts. Il en surgit de partout. La sérénité reparait sur les visages à mesure qu'on dénombre les engins protecteurs.

Dans la journée, on nous révèle des choses véritablement impressionnantes. Un officier allemand, prisonnier, a découvert au G.Q.G. allié que les sous-sols du Sénat cachaient une machinerie infernale : sur un simple déclic, les principaux monuments de la capitale et les quartiers avoisinants devaient sauter, un tiers de Paris ayant été miné au préalable. Comme le crime n'avait pu s'accomplir le 25, un des objectifs du raid qui suivit était justement d'atteindre le Luxembourg, et par là, de ruiner Paris. Les bombes qui y étaient destinées tombèrent rue Monge où elles causèrent d'énormes dégâts, mais la Capitale, une fois de plus, était préservée.

5 septembre

Les jours ont passé, les troupes avancent à une allure foudroyante, le danger recule, les cœurs se rassurent, la vie redevient peu à peu normale. A proportion, la reconnaissance grandit dans nos âmes ; en vérité, la main de Dieu a dirigé les événements avec une bonté, une miséricorde qui nous confond. Nous devions périr cent fois et le salut nous est venu avec un à propos et une puissance qui tiennent du miracle. On a prononcé le mot en parlant de la bataille de la Marne en 1914, il convient mieux pour expliquer la Libération de Paris en 1944.

Que le Seigneur Tout-Puissant, infiniment bon, et la Sainte-Mère, Notre-Dame de France soient loués, bénis, remerciés à jamais de cette nouvelle preuve de protection, en attendant, que dans le Paradis, nous puissions chanter avec les Saints le Te Deum de la délivrance définitive et de la PAIX ÉTERNELLE.

A.M.D.G.


(1) F.F.I.  Force Françaises de l'intérieur : Civils armés en vue du "nettoyage" de l'Intérieur. Dans certains secteurs parisiens, ces Volontaires n'ont pour toute défense que huit balles, un révolver et ... leur Courage.


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