Jacques ✎ - La véritable histoire de Kerguelen

On a souvent l’habitude de considérer le Chevalier de Kerguelen comme ayant découvert l’archipel qui porte son nom. En foi de quoi on fait partir du 13 Février 1772, date à laquelle il planta là-bas le Pavillon Fleurdelysé, l’origine de la souveraineté française sur ce territoire.
Il semble maintenant prouvé, sans vouloir pour cela atténuer les mérites du Chevalier, que nos dirigeants juristes et diplomates, ont eu la vue un peu courte en ne mettant en relief que ce seul événement.
Car il ne s’agissait que de la redécouverte d’un territoire oublié.

En effet les courageux pionniers que le Gouvernement y a fait envoyer pour mettre en valeur le pays et qui réussissent, au prix d’efforts inouïs, à en faire un des plus beaux joyaux de la Couronne de la République ont trouvé, par un hasard extraordinaire, bien à l’abri dans un terrier de pétrels, un document qui permet de faire remonter au treizième siècle la présence française dans les Îles Australes.

Il s’agit d’un parchemin assez bien conservé dont l’authenticité ne peut être mise en doute et que nous nous efforçons de reproduire ici.

 

En l’an du Seigneur mil deux cent soixante et six, pleurant sur mes peschiez, horrifié de l’estat où estoient réduicts mes gentils compaignons, voyans le fond de nostre miserre et iceluy de nostre dernier tonneau de vin, sentant déjà mon corps se transmuter, Je Jehan de Chanère, franc escuïer, maistre es ars et chirourgien de la mesnie du Comte de Molloy, ay ce escript pour ce que Vous, Nobles Seigneurs, Barons et Bonnes Gens qui après nous vivrez, puissiez faire dire force Messes et Prières pour nos asmes et que, sachans comment nous avons été punis pour nos faultes commises, évitiez, avecque la Grâce de Dieu, d’encourir le mesme sors.
Nostre premier pesché fust de n’avoir poinct manifesté trop de haste en répondans à l’appel du Roy Louis lorsqu’il nous manda pour la Croisade. Ains quand voulust le Comte de Molloy, nostre seigneur, nous réunir soubs sa bannière ce fust comme il est dict devant le Sainct Evangile : l’un estoit à sa vigne et l’aultre à son champ ; celuy-cy avoit acheté une paire de bœufs qu’il vouloit essaïer soubz le joug ; cestuy-là avoit pris jeune espouse dont il vouloit en taster la fraischeur.
Et pour ce, arrivasmes si tard au rendez-vous d’Aigues Vives que la dernière nef du Roy avoit depuis moult longs jours disparue à l’horizon.
Le Comte fist pendre incontinens les meschants couards qui disoient qu’estions, de ce faict, desliés de nostre vœu et parloient e s’en retourner chez nous y attendre que les aultres fussent revenus de Terre Saincte. Puis dessida que irions en suivans le rivaige de la mer jusques en Marseille y quérir un vaissel.
Tout au long de nostre route, avons visité force vergers, poulaillers et celliers en maintes fermes, métaieries et abbaïes. Et ce, en soi, estoit aussi fort mal, tel le confesse, veu que n’agissions pas chez les infidèles mais en franc païs chrestien. Et le tems que mismes à muser en chemin accrust encor nostre retard car il ne nous fallust pas moins de tre sepmaines pour aller d’Aigues Vives à Marseille.
 
Y demourasmes eun bon mois avant que de trouver nef qui nous veuille transporter et deusmes, par la malice du Dyable, pourmener nos habits de Croisés à travers tous les bouges, tavernes et aultres mauvais lieus enclos en ceste cité . Ains fismes-nous cognoissance avecque Messire Yve Lebrezounec, le vaillans capitaine, qui se debvoit d’amener à Chypre certain marchant et sa marchandise. Lequel Messire Yves voulust bien nous prendre à son bord.
Adonc, après s’estre moult enjoyé tout au long d’eune nuictée, s’embarqua à Marseille la Mesnie du Comte de Molloy, par un matin ensoleillé, dessus la nef pansue, tout en chantan biaux cantiques comme il sied à qui veult enterprendre eune saincte besogne
Bientost nostre voïage se monstra fort tormenté pour ce que la mer soulevoit vagues plus haultes que maisons bourgeoises et onc n’eus jamais plus rude labeur, tant au chevet de mon seigneur qui dans un flot de male byle laissoit espanchier sur les courtines tout ce qu’il avoit beu et mangié les jours passés, qu’auprès de mesaultres compaignons dont les humeurs peccantes se vouloient issire par tous pertuis naturels.
Estant moi-mesme fort fatigué, je pensois que sort funeste nous avoit esté jecté.
Or nous confia Messire Yve que le marchant qui souloit aller à Chypre y vendre son bien estoit Juif de Tolède.
Se povoit-il ymaginer en franche servelle que nobles chevaliers, braves escuïers et vaillants routiers, tous bons chrestiens et fiers Croisés, eussent à naviguer de concert avec pareille engeance qui mist en Croix Nostre Seigneur !
Aussi jectasmes-nous le Juif à l’eau et ce fust œuvre pie car, aussitost que la mer eust englouti son cors de pourceau, nous vismes les flots s’apaiser et, peu à peu, chascun reprit ses coleurs avecque son appétit.
Eust voulu Frère Gilles, nostre chapelain, pour parfaire nostre mérite, que nous donnions à l’Ordre des Frères Mineurs, dont il portoit l’habit, les biens et marchandises du mauldit. Mais lui fismes compreindre qu’il estoit malséant de gaster les moynes pour ce qu’ils en deviennent par trop fassilement riches et en oublient alors le Service de Dieu. Tandis que marins de Messire Yves et routiers du Comte estoient paouvres gens à qui l’on verroit bien pendu autour du col eune hart de chanvre qu’une croix d’argent.

A Chypre, Lusignan lequel estoit quelque peu parent de nostre Comte, nous fist accueil plein de cajolesrie et, ains, passasmes belles jornées à nous esbaudir en ceste isle enchantée.
Ayant appris céans que le Roy guerroyoit déjà en terre d’Egypte, persuadismes aisémens Messire ives de nous y conduire.
Au par avans avions eschangié la marchandise impure du Iuif que ne pouvions, pour ce, garder par devers nous contre bon or franc dont la veue nous esjouissoit le cœur.
Puis, pensans que Messire le Roy, ce sainct homme, debvoit avoir grand seuf à bouter grans cops d’estoc soubs grand souleil ardens, avons pris soin d’emplir nostre vaisseau avecque le vin du païs lequel est fort renommé. Tant il y en avoit que peu s’en fallust que nous n’allions au fond.
Fismes aussi monter à bord demi-dozaine d’accortes ribaudes de bonne race, à la chair ferme, à la croupe arrondie et fort plaisantes à considérer pour ce qu’elles estoient expertes à tous les jeux d’amor à la fasson des Sarrasins qui, dict-on, sont fort curieus de la chose.
Ce voyans, Frère Gilles nous fist meschante mine mais je pus calmer son ire en lui montrans que la complexion de nostre Comte estoit moult sanguine et que nous sçaurions redoubter les pires dangiers s’il ne povoit, de tems en tems, laisser ses sentimens suivre leur inclination. Et si convenoit ceste médecine au seigneur, se trouvoit-elle aussi estre bonne à ses gens. Or doncque six ribaudes n’estoient poinct de trop et je regrettois amèrement qu’il ne s’en fust pas présenté davantaige. Au demeurans, lui avois tenu ces proupos en latin de paour que mes compagnons ne crussent que j’avois moins de souci de la santé d’iceulx corps que du comblemens de leurs maulvais désirs.

Or arrivasmes bientost devant la terre d’Egypte où jà nostre Roy estoit aux prises avec les infidèles.
De loin vismes batailles rangées de gens d’armes et nobles chevaliers pourfendre mécréans. Autour des Lys de France et de l’Oriflamme Rouge de Messire Sainct Denis lors flottoient aux quatre vents les banières des seigneurs croisés. Le bruict de la meslée enjoyoit nos aureilles et nous rendoit fort avides d’en venir aux mains.

Déjà avoient été harnachiés nos fiers destriers. Nos braves archierz avoient faict jaillir leurs dards de leurs étuis et Léonard, le Sire de Mussel, avoit déploïé la bannière du Comte qui porte sur sinople au sanglier de gueule encagé.
Messire Lebrézounec et la plupars de ses marins estoient descendeus à terre pour nous establir ung pons afin que puissions fassilemens désembarquer nos montures.Je me tenois avecque mes outilz emprès de mon seigneur pour y pancer touste navrance qu’il se risquoit à encourir.
Lors me fist le Comte lacer son heaulme puis tira Guite, sa bonne espée, en dehors du fourreau et la brandit en crians :
_    Tiens bon Sire Roy :.. Arrivons à ta rescousse…
Ce à quoi respondismes par lecri de guerre :
_    Pointe, Molloy !..
Ce entendans, grand effroye se saisist des payens qui rompirent d’eune lance.
Mais le Dyable les voulust secourir et fist souffler telle tempeste qu’en furent rompeus casbles retenant nostre nef au rivage et que  laissans là Messire Yves et ses marins, nous fusmes emportés par les flots…
Boutés par eun vent que ryen n’auroit sceu arrester, nous passasmes le long des rives et atteignismes enfin la Mer Océane.

Note : Il est bien précisé que les Croisés, pour atteindre l’Océan Indien n’ont pas eu à changer de vaisseau. Ce qui laisse supposer, à cette époque, l’existence d’une communication entre la Méditerranée et la Mer rouge. La question du Canal de Suez est donc plus vieille qu’on ne le pense généralement.

Avons longtemps essaïé de lutter contre iceluy vent lequel ne souloit poinct mollir. Mais  Las… estions gens de terre qui ne sçavions par quel bout prendre les voiles… Seuls nous estoient restés de l’équipage de Messire Ives que soutiers, varlets de cuisine et aultre canaille qui n’estoient poinct accoustumés à prendre pars à la conduicte de la nef.
Et tout au long de longues sepmaines avons vogué sans rencontrer asme qui vive si ce n’est que grans oizeaulx blancs qui voloient au dessus de nos testes et nous considéroient en silence.

Avons traversé réjions où le souleil vous arde de ses raïons à telle enseigne que cuydions estre arrivés auprès de chez Belzébuth.
Par la grâce de Sainct Noé avions en suffisance moult tonneaux de vin, si nous firent-ils heureusemens estanchier nos ardeurs.
Puis avons conneu frimas neige et grézyl sans que jamais vent, souffle ni bise ne cessassent de corner à nos aureyes.
Aperçusmes enfin eune terre qu’appelasmes Cap Louis par remembrance à nostre bon Roy. Mais bientopst la nuict et brouyard espais nous en célèrent la veue.
Deux jours après, bouta le Malin sur nostre route un gros rouchier qui nous fist tel horion que nostre nef en fust ésventrée et nous-mesmes desjectés sur le sol d’un rivaige incogneu.
Si tost que feusmes à terre, vent se calma. Les nuages s’enfuirent et apparust le soleil nous montrans un circle de montagnes arides entourant eune mer hérissée de moult nombreus isles, islots et aultres escueils. Ce voyant, les derniers marins de Messire Yve cuidèrent avoir retrouvé leur païs et nommèrent la Baie de Morbihan.
Mais, Las !.. Les habitans qui nous attendoient sur la plage n’estoient pas bons Bretons mais diabolicques créiatures de noir et blanc vestues qui nous esbigloient en silence et ce sans bouger d’un pouce.
- Pointe, Molloy !..  cria le Comte. Et sus à ceste
veurmine !
Le tems de chausser nos esperons et nous frappions d’estoc et de taille au travers de ceste racaille dont nous fismes grand carnage. Tant plus il en tomboit, tant plus il s’en présentoit par devans nous. Pour lors, fis-je remarquer à mon seigneur que nous ne sçaurions continuer ainsi soubs peyne d’estre encore occupés à combattre au Jour du Jugemens. Mieux valoit nous retranchier sur eune colline et y observer le comportemens de ces meschants ydolastres.
Avions pris tant de captifs que poinct trop ne sçavions qu’en faire car c’estoit-là gens pervers qui ne respondaient mie aux objurgations de Frère Gilles, lequel eust voulu les inciter au repentir et à la conversion pour le salut de leurs asmes. Ne voulurent poinct parler non plus quand les soumismes à la question pour sçavoir où recelaient leurs trézors.

En brief, sommes restés ung bon mois au faicte de nostre colline avecque nos ennemys tout à  l’entour. Mais comme ils ne faisoient pas mine de s’approuchier, nous en vinsmes à les traicter avec le mépris haultain qu’ils paroissaient nous tesmoigner eus-mesmes.
Puis par longues et périlleuses chevauchées où moult brave compaignon trouva son trespas, visitasmes le terroir et recogneumes qu’estions enclos sur une grande isle fort encombrée par mons enneigés et champs de glace et où, enparmis les étangs gelés, ne poussoient guère que caillous, pierres et aultres rocailles.
Poinct ne trouvasmes d’estres umains, ni mesme de créatures de Dieu qui nous pussent fournir vyande de venaison. Dans l’air que constamens esbouriffoit le vens, y planoient oiseaults de maulvais œicl qui eurent tost faict de mestre nos faucons en pièces.
Au bord de l’eau, cy rencontrasmes moult horrificques monstres dont d’aucuns estoient plus gros que cinque bœufs réuni et tenoient à la fois du pourceau et du poisson, ayant gueule de leup et museau d’olifant…
Passoient ainsi leur temps en batailles et fornications impudiques, un chacun vivant avec plusieurs espouses à la fasson des infidèles. Pour ce en avons occis grande multitude mais n’avons poinct voulu mangier leur chair, laquelle dégageoit trop affreuse puanteur.
Il n’y avoit fleur ni fleurette en ces contrées mauldictes. A peine y voyions-nous croistre eune meschante herbe dont se debvoient contenter nos chevaux. Il n’y avoit ni arbre, ni arbrisseau, partant poinct de bois pour réparer nostre nef.
Ainsi estions-nous obligés d’abandonner toute espérance de revoir nos villes, villages ou chasteaux qu’avions laissés par delà la Mer Océane le jour ù prismes la Croix.

Or doncque nous fist le seigneur Comte démanteler le vaissel et les planches d’iceluy nous servirent à bastir maisonnettes qui formèrent eun hameau en un lieu sis dans la partie basse de l’isle, là où nos montures se pouvoient trouver quelque pastourage.   

La nef contenoit en oultre provizions de bouche que mismes en cellier pour nous préserver de disette. Semblablemens rassemblasmes volailles et bestiaux qu’avions sceu transporter avec nous tant et si bien que routiers y devinrent-là vilains et feurmiers.
Appelasmes le dict endret Port aux François, tant estoit grans nostre regret du doulx païs de France.
Mais pour nostre secours avions abondance en vin de Chypre lequel nous fist bentost oubelier nostre chagrin.
Adonc pensa Frère Gilles qu’il convenoit à présen d’unir ribaudes qu’avions emmenées par liens sacrés de mariage avec certains d’entre nous.
Ce que recogneumes tous comme estant grave erreur de jugemens de la part de ce sainct homme. Car se povoit-on conçure que nobles chevaliers, francs escuïers ni vaillans routiers fussent marriés à ribaudes ?. ..
    Ce nonobstans, Maistre Guillaume Hausse-Quine, lequel avoit office de tabellion, déclara qu’il estoit trop injuste que six d’entre nous seulemens soyent munis de femme alors que les aultres seroient invités à tenir la chandelle au soir des nopces… D’autant et plus que ribaudes ne se pourroient choisir mari parmi les ceuls qui avoient espouses en terre chrestienne, faulte de leur voir commettre horrible péchié.
Or donc fust-il décidé que ribaudes fussent à moi confiées pour ce que je les accordasse à mes compaignons en toute conscience et vertu de l’estat d’icelles et des besoings et capacités d’iceulx, toust en résevans à nostre Comte la pars à luy éschue envers le droit de cuissage et à son serviteur l’obligation de nombreus essais pour apprécier la bonne qualité du médicamens.
Se debvoit alors Frère Gilles baptiser nos bastards et nos bastardes pour, plus tard, les marrier ensemble, chascun selon sa guise, afin qu’ils procréassent enfans propres à perpétuer nostre race sur ces terres désolées.
Las !.. Avons tant usé et abusé des ribaudes qu’elles n’eurent poinct eun seul instant pour mestre au monde le moindre bastard…
Toujours estoient-elles sur la brèche et toujours estions-nous dans l’attente d’elles ! Si bien qu’à nostre gran deshaye les vismes se dépérir et morir à l’ouvraige comme on voyt monture par trop forcée se mourir à la payne…

Me fist le bon Frère Gilles moult grands reprouches mais poinct ne pouvois lutter contre la destinée et, pour nostre consolemens, vidasmes tous deux plein fût de vin de Chypre. Si tant qu’en sortant dans la nuict, le dict Frère Gilles ne vist pas soubs ses piés grans trou fangeux et y cheu sans que puissions l’en retirer…
Avons beaucoup pleuré Frère Gilles et aussi nos gentes ribaudes qui n’avoient sçeue nous obtenir descendance et avons beu vin à pleins hanaps pour esbahir nostre doleur.
Lors pour honourer défunct et défunctes, voulust le Comte nostre seigneur, desploïer sa banière et cy nous vismes avec horreur que, par maléfice du Dyable, le sinople avoit pris coleur bise du ciel qui nous recouvroit et le sanglier de gueule s’estoit muté en héraldique pourceau…
Ce découvrans fust saisi nostre seigneur par tremblemens sournois ; d’un grans viremens ses humeurs furent emprises ce qui les transporta toustes à la fois jusques au cereveau lequel s’esclata avec eun bruict sourd…
Il cheust au sol nostre Comte et, nonobstans soins et saignées que je lui prodigois, rendit son asme sans dire ryen qui vaille.
Ains mourust le Comte de Molloy, nostre bon seigneur, hardi chevalier et fier Croisé que seul le Maulvais avoit sçeu empeschier de venir délivrer le Sainct Tombeau
Avons beaucoup pleuré nostre Comte et deusmes boire force gobeletz pour eschauffer nos cors engourdis la nuict que l’avons veillé. Au lever du jour moult tonneaux estoient vides et nous ne sçumes commen la dépuille du Sire avoit pu disparoitre.
Pour lors restions-nous là comme paouvres orfelins, sans maistre, sans chapelain et criasmes bien fort nostre commune détresse.
Et si tant cryions-nous que la gorge nous en ardoit, et si tant la gorge nous en ardoit qu’estions obligés de la calmer à grandes goulées de vin.

Adonc survint grand vieillard à barbe blanche qu’oncques jamais n’avions veu en ces lieus et qui nous dict :
- Oïez enfans ! Messire Satan faict jà boullir huile où debvriez estre fricassés si ne vous prist en pitié Nostre Dame…

Mais avez tant pésché en tous tems et lieus et principalement sur ceste terre que nul sainct ni saincte ne se veult plus occuper de vous…
Ie suis Sainct Noé et moi seul ay consenti à venir icy-bas vous prémunir pour ce qu’estes, comme je fus, grans voïageurs et sçavez bien estimer bons produicts de la vigne.
Ayez vite repentance car bientost encourrerez chastiment de vos faultes et serez transformés en semblables oyseaulx qui, par nuict de tempeste, vont à travers rafales de neige en poussant cris déchirans et plaintes lamentables…
Ains irez-vous errants, survolans terres désolées et Mer Océane par tous les siècles des siècles jusqu'au Jour du Jugemens où Nostre Seigneur vous accordera merci.
Et jà vis-je le cors de mes gentilz compaignons se rapetisser et se hérisser de plumes…

Aussi Je, Jehan de Chanère, Franc Escuïer, Maistre es Ars et Chirourgien, ay promptement escript ce pour ce que Vous, Nobles seigneurs, Barons et Bonnes Gens qui après nous vivrez si jamais traversez ces parages et entendez dedans la nuict noire sinistres oizeaulx des tempestes, pensez au devenir des paouvres Croisés de la Mesnie du Comte de Molloy.
Et puissé-je vous inciter si toustefois voulez vous establir en ces lieus de n’y jamais amener ribaudes. Du moins, si vous ne souliez vous en passer, faictes les venir moult nombreuses afin que vostre corps soit soulagié sans que vostre asme en soit par trop chargiée


La toponymie de l’archipel des Kerguelen apporte une confirmation à ce récit. En effet le nom des principaux personnages reste lié à certains accidents géographiques : îles, caps, pointes, etc
Il convient toutefois de faire remarquer que les navigateurs du siècle dernier ont pris l’habitude d’adapter à quelques-uns de ces mots une orthographe anglo-saxonne (Chaner au lieu de Chanère, Hoskynn pour Hausse-Quine, etc).
Par ailleurs les spécialistes de la langue française au treizième siècle seront peut-être surpris de certaines imperfections ou bien de mots employés à mauvais escient.
Cela peut être dû à l’angoisse de Jehan de Chanère mais il est aussi permis de penser que celui-ci, qui se dit maître es Arts, avait pu usurper ce titre car il donne plutôt l’impression d’avoir davantage fréquenté « les bouges, tavernes et aultres maulvais lieus » que les cours des Facultés.


                 Port aux Français : 8 Septembre 1956


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