À la guerre ⚔️ - 1942 Le petit garçon juif
A Paris, sous l'occupation, mes grands-parents habitaient le VIIe arrondissement avec leurs deux enfants nés en 1926 et 1927.
Mon grand-père, Henry Bayle, travaillait à la Banque de l'Afrique Occidentale (la BAO). Un jour, un de ses jeunes collègues frappe à sa porte : il est juif, ses parents viennent d'être arrêtés, il va prendre le maquis, et confie son jeune frère à ma famille. Il viendra le rechercher quand il aura pu s'organiser.
Le jeune garçon, de l'âge de mon oncle, va vivre avec notre famille pendant plusieurs semaines. Ma grand-mère lui a demandé de répondre au nom de Robert, comme mon oncle, pour rester discret et éviter de prononcer un prénom un peu trop marqué pour l'époque. Quand elle appelle un "Robert", il y en a deux qui viennent ...
Les gamins s'entendent bien, surtout pour les bêtises. La seule anecdote qui ait traversé le temps est celle-ci. Ma grand-mère fait la queue devant la boucherie. L'attente peut durer 3 ou 4 heures, sans être certain d'obtenir quoi que ce soit, même avec les tickets de rationnement. Les garçons, qui l'ont accompagnée, passent le temps en détachant du mur de la boucherie les petits carreaux de mosaïque rose. La bouchère s'en aperçoit et gronde. Un soldat allemand qui surveille la file s'approche. Les garnements se calment, mais ma grand-mère a eu la peur de sa vie.
Puis un jour, au bout de quelques semaines, on frappe à la porte de l'appartement. Un jeune homme inconnu dit qu'il vient de la part du grand frère pour chercher le petit et le conduire en sécurité.
C'est tout ce que j'en sais : pas de nom, pas de date et jamais de nouvelles, me disait mon grand-père.