À la guerre ⚔️ - 1870 Carnets de Campagne de Pierre Bourdieu

Le carnet de campagne de Pierre Bourdieu que nous avons en notre possession comporte 3 parties:
  • La campagne 1870/1871 au jour le jour (évènements vécus racontés au fil des jours)
  • La capitulation de Metz telle qu'elle a été vécue par le narrateur
  • Le ressenti des évènements par un officier

Souvenir de la campagne de 1870-1871
BOURDIEU Pierre
18ème Régiment d'artillerie à cheval 3ème batterie
 
Les mitrailleuses placées près de Montoit firent un effet  merveilleux. L'ennemi avait perdu : tués ou blessés 15 000 hommes, nos pertes étaient de 6 000 hommes. Vers onze heures du soir, la fusillade cessa, nous rétrogradons sur Metz et nous passons la nuit au Ban-St-Martin.
 
15 août : Grand mouvement de troupes. La joie est peinte sur tous les visages. On se demande les uns aux autres ce que l'on fait. Il est répondu par quelques uns que l'on bat en retraite jusqu'au camp de Chalons.
A 5 heures du  soir, nous partions du Ban-St-Martin, et après avoir voyagé jusqu'à 2 heures du matin, on campe dans la plaine de Gravelotte avec ordre de ne pas desseller les chevaux et de ne pas se coucher.
 
16 août : Bataille de Gravelotte.
A 5 heures du matin, on reçoit l'ordre de se tenir prêts car  on doit avoir une rencontre avec l'ennemi dans le courant de la journée. En effet, vers 9 heures du matin le bruit du canon se fait entendre. Les convois de vivres encombrant la route, les cavaliers et les plantons courent de tous côtés. Le régiment reçoit l'ordre de se porter en avant et à 9 heures, nous commencions le feu. A midi, le bruit du canon se  fait entendre de tous les côtés, la fumée nous aveuglait et on n'avançait ni on ne reculait.
Nous combattions contre l'armée du prince Frédéric Charles composée de 300.000 hommes. Les charges de cavalerie se sont faites avec beaucoup de régularité, mais peu de succès. Vers 6 heures du soir le feu ralentit et l'armée Française qui était au nombre de 90.000 hommes sur le champ de bataille faisaient taire le feu. De fortes colonnes d'ennemis se trouvaient dans un désordre complet après avoir perdu 18.000 morts, 17.000 blessés. L'armée française avait perdu 12.000 hommes environ . Le régiment fit de nombreuses pertes en chevaux, eut beaucoup de blessés, 2 officiers de morts et 20 hommes. Nous étions victorieux et déjà l'ennemi se décourageait.
Après avoir passé la nuit sur le champ de bataille sans nous réorganiser, sans eau ni vivres nous pensions que le lendemain matin nous continuerions notre route ou recommencer à poursuivre les prussiens mais non, la trahison prenait déjà place dans les rangs de notre belle armée.
 
17 août : Vers 6  heures du matin, départ du champ de bataille, arrivée au fort St Quentin, vers 2 heures du soir nous étions sans vivres, il y avait 2 jours que l'on s'en passait.
 
18 août : Bataille de St Privat. Le matin vers 8 heures, on nous donne l'ordre de nous tenir prêts à partir ; mais vers 9 heures, une forte canonnade se fait entendre. L'armée du prince Frédéric Charles et du Général Steinmetz réunis, attaquait de nouveau notre armée. Déjà, le traître Bazaine n'assistait pas au combat, il se promenait dans Metz sans s'inquiéter de son armée. Malgré leur petit nombre les français se battaient en désespérés et firent éprouver aux deux armées des pertes très considérables. Toute la garde  sans exception part au combat. Les 13 ème et 18 ème régiments d'artillerie canonnaient l'armée du Général Steinmetz qui descendait des hauteurs de Cors et d'Ars sur Moselle. L'infanterie sonna la charge vers 6 heures du soir et fondit sur les prussiens à la bayonnette,  battus sur leur gauche tandis que leur droite était victorieuse.
Malgré notre résistance et sans commandement général les fortes colonnes prusssiennes nous forçaient à nous replier sous la protection des forts.
 
19 août : Nous quittâmes le Fort  vers 6 heures du soir mais l'encombrement était si grand qu'il fallut reprendre nos positions. Le lendemain vers 8 heures seulement nous descendions au Ban-St-Martin où nous avons fait séjour jusqu'au 26 août.
 
22 août : On reste sous sous les armes une partie de la journée mais on ne sort pas du camp.
 
25 août : La cavalerie de l'armée se réunit à Chambiers.
 
26 août : On prend les armes à 7 heures du matin et l'on va prendre des positions en avant du fort St Julien. L'engagement prévu n'a pas lieu et on rentre dans les camps dans le milieu de la nuit.
 
27 août : Violent orage qui produit une inondation complète des camps.
 
30 août : On reçoit l'ordre de se tenir prêt à faire un mouvement qui n'a pas lieu.
 
31 août :  A 8heures du matin, on prend les armes après avoir passé la  Moselle, sur des ponts en bateaux, on prend position en avant du Fort St Julien et dans le ravin de Ventsas à 4 heures un engagement sérieux à lieu. Mais l'ennemi est vivement repoussé jusqu'aux villages de Ste Barbe et de Sercygny. Nous n'avons pas pris part à  l'engagement. Il fallut passer la nuit qui était très froide sur la terre et sans couverture.
 
1er 7bre : Le combat reprend vers 7 heures du matin après un fort brouillard, sans avancer, ni d'un côté ni de l'autre.Vers midi le feu cesse et les deux armées s'observent sans tirer. Vers 8 heures du soir on retourne au campement de la veille.
 
6 7bre : La viande de cheval remplace celle de bœuf.
 
7 7bre : Orage et pluie qui mordent les camps.
 
9 7bre: La pluie continue à tomber. Le soir, une vive canonnade se fait entendre. Les Forts St Julien et Quentin tirent sur les batteries prussiennes sans grand résultat.
 
10 7bre : La pluie continue à tomber, l'eau rentre dans les tentes qui deviennent inhabitables.
 
11 7bre :       Prix des denrées
 
Boeuf :                                    8.00 le kilo
Lard :                                       5.00
Pain :                                       0.50
Sel :                                        1,40
Pommes de terre :                  0.50
Sucre :                                    4.00
Vin :                                         80 le litre
Oeuf :                                       2,00  l'un
 
La santé est toujours bonne, le moral aussi. Le Maréchal Bazaine convoque les maréchaux généraux à son quartier général. Plusieurs ballons sont lancés de la place de Metz pour le 1ère fois.
 
13 7bre : Les nouvelles qui avaient circulé la veille se confirment et annoncent la reddition de la place de Sedan. Grand désastre sous ces murs. La déchéance de l'Empereur et l'institution d'un gouvernement provisoire à Paris. Le bruit court aussi que Strasbourg ayant capitulé, le matériel de siège des prussiens est même sur Metz. Mac Mahon et son armée étaient attendus à Metz. On nous apprend aussi que nous étions attendus à Sedan Nous aurions pu y être le premier 7bre si le Maréchal Bazaine l'avait voulu.
 
17 7bre : Des journaux français apportés par un prisonnier échappé de Sedan confirme les tristes nouvelles. L'état des chevaux devient mauvais faute de nourriture. On en désigne chaque jour un grand nombre pour la boucherie.
 
Réduction des vivres :
 
Pain :                          500 gr au lieu de 750
Viande :                      250 gr au lieu de 400
Sel :                              2,7gr au lieu de 16
Sucre :                        10 gr au lieu de 30
Riz :                            30 gr au lieu  de 45
 
18 7bre : On fait rentrer toutes les munitions de réserve dans la ville de Metz . Les batteries sont réduites à 4 pièces.
 
29 7bre : Vers une heure de l'après-midi, une vive canonnade se fait entendre aux Forts de St Quentin, de St Julien et de Queuleu. Le Fort de St Julien appuie une sortie de ravitaillement . Le Fort Queuleu une reconnaissance, le Fort St Quentin connut les batteries ennemies.
 
28 7bre : Une vive canonnade se fait entendre en avant des Forts. On rapporte de Mercy le Château du fourrage, de l'orge et quelques cigares laissés par les prussiens.
 
29 7bre : Une vive canonnade se fait entendre du côté de St Julien et de Quenleu. Les 3ème et 6ème corps enlèvent sur la rive droite les villages de Peltre et de Mercy le haut et un convoi de ravitaillement rentre. Sur la rive gauche, les villages de Ladompchamps et des Petites Moscés sont pris puis abandonnés. On a fait 260 prisonniers au château de Ladompchamps. Sans la trahison d'un marchand d'eau de vie, nous aurions capturé 200 bœufs. Le traitre a été fusillé sur le champ. Peltre et Lagrange aux Bois sont brûlés par les prussiens. A Peltre, il n'y reste aucune maison pas même l'église.
 
1er 8bre : La ferme Sainte Agathe et le château de Ladompchamps sont ramenés par nos troupes qui ramenaient  des voitures de fourrages et une vingtaine de prisonniers. Nos pertes sont 3 hommes tués et quelques blessés.
 
2 8bre : Le château de Billaudel et le village de Lessy restent entre nos mains après un engagement très vifs les pertes des prussiens sont énormes, les nôtres tuées ou blessées sont au nombre de 100 hommes.
 
3 8bre : Canonnade par les forts et fusillade sur toutes les lignes. Le bruit circule que l'armée prussienne a été battue à Estampes. Entre nos mains, nos pertes sont de 1000 hommes dont 2 officiers et quelques blessés. L'artillerie verse les sabres et  les mousquetons à l'arsenal et reçoit des chassepots modèle 1866.
 
8 8bre : La ration de pain est réduite à 300 grammes, celle de cheval à 150, celle de sel est supprimée. Cette réduction de pain inquiète les soldats et les habitants de Metz sont réduits à 400 g de pain. La misère se fait sentir, l'armée du blocus fait des souscriptions pour soulager les malheureux. Le sel se vend 10 francs le kilo.
 
9 8bre : Canonnade et fusillade principalement la nuit.
 
11 8bre : Un ordre du Maréchal supprime toute la ration des chevaux et prescrit de faire conduire près des fosses d'enfouissement ceux qui pourraient ne plus avoir que 24 heures à vivre et de les abattre. Le même ordre prescrit de rentrer le matériel de l'artillerie à l'arsenal dès qu'il ne pourra plus être attelé. Le moral de l'armée s'affaiblit. A 3 heures,  le bruit court en ville que l'armée prussienne bat en retraite sur Chalons après avoir perdu 180.000 hommes près de Paris, qu'un corps d'armée suggère la retraite entre Vitry-le-François et Chalons et que les francs tireurs des Vosges au nombre de 30.000 hommes ont repris Nancy et Toul. Ces bruits sont démentis le soir.
 
12 et 13 : Canonnade et fusillade, violent orage qui enlève toutes les tentes.
 
15 8bre : A partir de 8 heures du matin, le bruit du canon se fait entendre du côté de Verdun, on croit à une armée de Sucessés mais on ne bouge pas. Canonnade et fusillade toute la nuit.
 
16 8bre : Disposition faisant croire à un soldat à une sortie. Canonnade très vive toute la journée.
 
18 8bre : Les chevaux tombent comme des mouches, on leur donne du bois pour nourriture. Le Général Boyer rentrant de mission apporte de l'intérieur de la France les nouvelles suivantes. Paris résiste encore et  n'est pas sérieusement attaqué. Le fort d'Ivry est pris, résistance et paralysie partout. Paroles de Bismark au Généraux. Le Général d'Aurelle a subi une défaite près d'Orléans et des négociations sont faites pour amener la paix.
 
19 8bre : Une communication est faite, pourparlers entamés avec le gouvernement français. Pluie et vent violent toute la journée.
 
20 et 21 8bre : On n'entend plus le bruit du canon, on mange les vivres de réserve.
 
24 8bre : L'armée est prévenue qu'une convention aura lieu d'ici quelques jours. Il n'est plus distribué de vivres aux troupes. Quelques soldats font du pain avec du son et de l'huile. Vers le soir on distribue 200 grammes de biscuits par homme. Le temps est affreux. Le Général Changrainier est envoyé près du Prince Frédéric Charles. Forte fusillade vers 9 heures du soir.
 
26 8bre : L'armée est prévenue qu'une convention est conclue, les détails d'exécution seront réglés.
 
27 8bre : Le Général commandant l'artillerie reçoit les étendards et drapeaux qui doivent être remis à l'arsenal de Metz. Ils sont brûlés secrètement.
 
28 8bre: Capitulation. Exhortation aux troupes.
 
Ordre :
 
 « Officiers, sous-officiers et soldats, en présence des désastres de la France, il n'est pas permis de parler de nos malheurs. Nous sommes vaincus, mais vaincus par la faim. Avant la séparation, je dois proclamer votre dévouement à la patrie, votre vaillance dans les combats, votre fidélité, votre discipline. Rappelez vous toujours les glorieuses traditions du corps d'élite dont vous faites partie. Plus tard, dans vos foyers, donnez l'exemple des vertus du citoyen. Vive la France. » Le Général de division. Signé Desvaux.
 
2ème ordre général à l'armée du Rhin.
 « Vaincus par la famine, nous sommes contraints à subir les lois de la guerre en nous constituant prisonniers de guerre. A diverses époques de notre histoire militaire, des braves troupes commandées par Masséna, Kléber, Gouiron et St Cyr ont éprouvé le même sort qui n'entache en rien l'honneur militaire. Quand, comme vous, on a aussi glorieusement accompli son devoir jusqu'à l'extrémité humaine tout ce qui était loyalement possible de faire pour éviter cette fin l'a été et n'a pu aboutir. Quant à renouveler un suprême effort pour briser les lignes fortifiées de l'ennemi, malgré notre vaillance et le sacrifice des milliers d'existences qui pensent encore être utiles à la patrie, il eut été infructueux par suite de l'armement et ces forces écrasantes qui gardent et  appuient ces lignes, un désastre en eut été la conséquence. Soyons dignes dans l'adversité, respectons les conventions honorables qui ont été stipulées si nous voulons être respectés comme nous le méritons. Evitons surtout pour la réputation de cette armée, les actes d'indiscipline comme la destruction d'armes et matériel puisque les usages militaires, place et armement doivent faire retour à la France lorsque la paix sera signée. En quittant le commandement, je tiens à exprimer à Généraux, officiers, sous-officiers et soldats toute ma reconnaissance pour leur loyal concours, leur brillante valeur dans les combats, leur résignation, les privations et c'est le cœur brisé que je me sépare de vous ». Le maréchal de France, commandant en chef. Signé Bazaine.
 
29 8 bre : Départ du Ban-Saint-Martin vers 1 heure de l'après-midi pour se rendre prisonniers. Rencontre de quelques officiers prussiens près de Longeville. Le chagrin  est peint sur tous les visages et on voit les troupes ennemies monter dans les Forts et planter les drapeaux à Tournebride. Les officiers font leurs adieux à la troupe ; en se quittant, s'adresser quelques paroles tant on a le cœur serré. Près de Prescaty a lieu le défilé des troupes françaises devant les troupes prussiennes rangées en bataille. En arrivant près d'Ars-sur-Moselle, on nous fit camper dans des terres labourées qui étaient inondées. La pluie tombait  par torrents et rien à manger. Les prussiens avaient distribué du pain et du lard, mais la nuit étant venue, il fallut attendre le lendemain.
 
30 8bre : Les prussiens distribuent des vivres aux soldats français qui, déjà accablés par les souffrances de la faim, tombent malades. On essaye de s'esquiver mais les factionnaires sont si près les uns des autres qu'il est inutile d'y songer.
 
31 8bre :  Départ d'Ars vers 10 heures du matin par une pluie battante. Pour éviter les villages on nous fait passer dans des terres. Plusieurs soldats ne peuvent plus marcher. Arrivés à Saint-Thiebault vers 4 heures du soir, on peut à peine dresser les tentes tant il y a de la boue et  d'eau. On a tous les effets mouillés et il n'a pas été distribué de vivres. Ce jour-là on n'a pas pu se coucher.
 
1er 9bre : L'eau manque. Dans les champs, on ramasse dans les raies des champs et dans les fosses pour boire et faire la soupe. Cette eau était comme du mortier, aussi, quelle soupe on avait ce jour-là !
 
3 9bre : Départ de Saint-Thiebault vers 1 heure du matin. Voyage très fatigant jusqu'à Ars-Laquenexy. Le camp était un peu plus habitable, les maladies commencent à régner.
 
8 9bre : Départ d'Ars-Laquenexy vers 9 heures du matin, arrivés à Courcelle-Chaussy vers 1 heure à 2 heures environ, nous embarquions dans des wagons à bestiaux et nous partions pour Kolberg. Triste et long voyage jusqu'au 12. Pendant ce long voyage, on distribuait de la soupe et un petit morceau de pain une fois par jour. Quelles privations, il a fallu endurer.
 
12 9bre: Arrivés à Kolberg, lieu de captivité vers 3 heures du matin, on nous conduit dans des baraques qui étaient nos casernes où il ne faisait pas bon. Nous ne pouvions sortir sans être accompagnés d'un factionnaire prussien.
 
13 9bre : Nous avons pu visiter Kolberg. Il n'y a rien de remarquable, la nourriture y est médiocre, le vin y manque.
 
15 9bre : Le but de notre sortie ce jour-là a été d'aller voir la mer Baltique qui se trouve à 200 mètres de la ville.
 
20 9bre : Les soldats rentrent tous les jours, 15 environ, dans les hôpitaux et il en meurt 2 à 3 par jour.
 
4 xbre : Les bruits circulent à Kolberg, que l'armée prussienne a été battue près de Paris et qu'elle bat en retraite sur Nancy.
 
5 xbre : Les bruits qui ont circulé hier, sont démentis.
 
14 xbre :  Le bruit court que Paris est  débloqué, on annonce la capitulation de Thionville.
 
19 xbre : L'hiver commence à devenir rigoureux.
 
22 xbre : Les sous-officiers obtiennent des  permissions pour aller promener .
 
Isolement 1er janvier 1871 au 3 février. Fausses nouvelles sur ce qui se passe en France. On nous apprend que des mensonges.
 
3 février : Des dépêches, arrivées de Versailles, annoncent la capitulation de Paris. L'artillerie de Kolberg, en réjouissance de cette nouvelle a tiré 101 coups de canon.
 
4 février : Une dépêche annonce qu'un armistice de trois semaines a tété conclu.
 
7 février : Dépêche annonçant la retraite de Bourbaki en Suisse.
 
1er mars : Les nouvelles de la signature de la paix se répandent dans Kolberg. L'artillerie tire 101 coups de canons, les habitants font partir des pétards et le soir de nombreuses illuminations prouvent la joie des habitants.
 
8 mars : On attend le départ avec impatience. On nous dit que nous ne partirons que dans le mois d'avril. L'impatience redouble, le printemps commence, les prussiens nous laissent un peu plus de liberté. Des souscriptions sont ouvertes pour placer sur les tombes des prisonniers morts à Kolberg plusieurs croix et un entourage.
 
17 mars : Départ des Lorrains et des Alsaciens.
 
21 mars : Un service solennel  a été célébré en mémoire des prisonniers français décédés à Kolberg .
 
22 mars : On célèbre à Kolberg une fête à l'anniversaire de la naissance du Roi de Prusse. On nous apprend que la Révolution a éclaté dans Paris et que le Louvre a été pris d'assaut. On nous apprend  ensuite que nous ne partirons que quand le bruit aurait cessé.
 
31 mars : Départ de Kolberg des officiers français prisonniers. Le bruit circule que la flotte française nous attend à Hambourg.
 
1er avril : Arrivée d'une demi-batterie d'artillerie prussienne. Elle rentre en ville  avec des lauriers et la musique en tête. Il y  avait plusieurs chevaux français.

Capitulation de Metz
Protocole
 
 
Entre nous soussignés le chef d'Etat Major de l'armée française sous Metz et le chef de l'état de l'armée prussienne devant Metz, tous deux munis des pleins pouvoirs de son S.E.le Maréchal Bazaine anciennement en chef et du général en chef le Prince Frédéric Charles de Prusse la convention a été conclue.
 
Article1er : L'armée française sous les ordres du Maréchal Bazaine et prisonnier de guerre.
 
Article 2 : La forteresse et la ville de Metz avec tous les forts, le matériel de guerre, les approvisionnements de toute espèce et tout ce qui est propriété de l'Etat seront rendus à l'armée prussienne dans l'état où tout cela se trouve au moment de la signature de la convention.
 
Samedi 29 8bre à midi, les forts de St Quentin Plateville, St Julien, Quenleu et St Privat ainsi que la porte Monelle route de Strasbourg seront remis aux troupes prussiennes à 10 du matin dès ce moment pour des Officiers d'artillerie et du génie avec quelques sous officiers seront admis dans les divers forts pour occuper la magasin à poudre et compter les mines.
 
Article 3 : Les armes ainsi que tout le matériel de l'armée consistant en drapeaux, mitrailleuses, chevaux, caisses de guerre, équipages de l'armée seront laissés à Metz et dans les forts à des commissions militaires instituées par M. le Maréchal Bazaine pour être remis à des commissaires prussiens.
Les troupes sans armes seront  conduites, rangées d'après leurs régiments ou corps en ordre militaire aux lieux qui seront indiqués pour chaque jour. Les officiers resteront alors librement dans l'intérieur du camp retranché ou à Metz sous la condition de  s'engager sur l'honneur à ne pas quitter la place sans ordre du commandant de place prussien. Les troupes seront alors conduites par leur sous-officiers aux camps, emplacements de leur bivouac.
Les soldats conserveront les sacs, leurs effets et les objets de campement : tentes, marmites, couvertures.
 
Article 4 : Tous les généraux et officiers ainsi que les employés militaires ayant rang d'officiers qui engageront leur parole d'honneur par écrit de ne pas porter les armes contre l'Allemagne et de n'agir d'aucune autre manière contre ses intérêts jusqu'à la fin de la guerre actuelle ne seront pas faits prisonniers de guerre et officiers et employés qui accepteront cette condition conserveront leurs armes et leurs objets qui leur appartiennent personnellement.
Pour reconnaître le courage dont ont  fait preuve pendant  toute  la durée de la guerre les troupes de l'armée de la garnison il est en outre permis aux officiers qui opteront pour la captivité d'emporter avec eux leurs sabres ou épées ainsi que tout ce qui leur appartient personnellement.
 
Article 5 : Les médecins militaires seront en arrière  pour prendre soin des blessés. Ils seront traités d'après la convention des Généraux, il en sera de même pour les prisonniers des hôpitaux.
 
Article 6 : Des questions de détails concernant principalement les intérêts. de la ville, sont traités d'après un appendice annexe qui aura la même valeur que le présent protocole.
 
Article 7 : Tout article qui pourra présenter des doutes sera toujours interpellé en faveur de l'armée française.
 
                            Fait au Château de Pffrescot le 27 8bre 1870

Voici ce qu'écrivait pour Bazaine un officier qui prévoyait les événements actuels.

 

Si j'étais à même de vous interroger voici pour ma part les questions que je vous adresserais:

  • Pourquoi le 26 août après avoir par une seule route massé toute votre armée en avant de St Julien n'avez vous pas livré bataille, prétextant du mauvais temps. Est-ce que la pluie n'était pas pour les prussiens comme pour nous ? Vous saviez évidemment, vous ne pouviez l'ignorer que l'armée de Mac Mahon approchait par le nord et je crois qu'alors, vous auriez réussi à lui donner la main. L'ennemi n'avait pas encore ses terribles batteries de position qui ont commencé à nous entourer quelques jours après.

  • Pourquoi le 31 août n'avez vous pas poursuivi, même pendant la nuit, les avantages que l'armée avait obtenus au prix de son sang, n'avez vous pas gardé les position quelle avait conquises?

  • Pourquoi depuis n'avez vous pas réuni sur un point donné toute votre artillerie, toutes vos forces pour faire une trouée? Si vous aviez fait comme le taureau qui accule, s'élance en baissant les cornes, vous auriez passé.

  • Pourquoi après avoir pris les Mosces ne les aviez vous pas occupés jusqu'à ce que les inreuses ???? approvisionnent, qui s'y trouvaient avait été amenée à Metz. Au lieu de cela, vous êtes rentrés après avoir remporté pour les états majors quelques sacs de grains et quelques bottes de paille. Les prussiens alors sont revenus pendant la nuit et ont allumé cet immense incendie que nous avons tous vu. Pas une maison n'a été épargnée et maintenant, c'est brusquement, du jour au lendemain qu'on nous prévient qu'il ne reste plus rien, rien du tout pour l'alimentation des chevaux et cette imprévoyance, c'est autre chose, après les chevaux viendront les hommes. Vous attendez toujours, qu'a été faire le Général Bourbaki, où est il, qu'est il devenu ? Je n'ai pas fini...autres questions

  • Pourquoi le 7 8bre avez vous livré un grand combat dans la plaine de Thionville ? Que vouliez vous faire ? Vous ravitailler, dit-on, vous avez, comme toujours, engagé la lutte avec une très grande infériorité en numérique des troupes. Vous avez opposé peu de canons aux innombrables batteries de l'ennemi. Cependant, en massant votre artillerie sur le point attaqué, en faisant comme les prussiens qui ont du vous l'apprendre, vous auriez infailliblement fait taire les canons ennemis, au lieu d'engager des régiments. Il fallait engager un corps d'armée, deux, au besoin. Malgré, cela les soldats ont réussi, par leur bravoure à s'emparer des greniers bien approvisionnés. Mais les succès, vous ne le voulez pas.On serait du moins tenté de le croire, puisque après l'avoir obtenu au prix du sang d'un millier de vos soldats, la retraite a été ordonnée. J'ai vu la chose et je la déclare infâme. Que signifient ces conseils de guerre que vous tenez avec les chefs de corps de l'armée et les généraux. On dit que dans l'un on discute la capitulation. Est-ce vrai ? On est tenté de le croire. Aujourd'hui même, quelqu'un qui vous touche de près a répondu à l'affirmation d'un officier de la garde mobile qui disait au café parisien qu'elle avait été votée à l'unanimité. Vous vous trompez, Monsieur, un tiers seulement l'a votée. Enfin, voici la question la plus sérieuse. Pourquoi n'avez vous pas fatigué, harcelé chaque jour, chaque heure, l'armée ennemie du blocus par des sorties en force sur un point donné ? Cela nous était facile puisque occupant le cercle du centre d'investissement, vous pouviez, chaque jour, chaque heure, remporter des succès décisifs ; au moins faire subir à l'armée assiégeante des pertes qui l'auraient épuisée, l'auraient démoralisée, tout au moins, vous auriez assisté vos ravitaillements aux dépends de l'ennemi. Vous n'avez rien fait et d'ici à peu de jours, vous n'aurez plus aucun moyen de combattre. Malgré cela, n'y comptez pas, vous ne nous vendrez pas comme un troupeau de moutons ! Vous et vos acolytes, vous serez jugés un jour. Dieu veuille que vous puissiez vous défendre.

  • Autres questions

  • Pourquoi le Maréchal Bazaine n'a-t-il pas poursuivi le succès du 14 août contre l'armée du Général Steinmetz.

  • Pourquoi le 16, après avoir combattu l'armée du prince Frédéric Charles à Gravelotte n'a-t-il pas continué à marcher sur Verdun, Il le pouvait, attendu que le 17, l'armée de Steinmetz avait su mettre en position seulement en avant de Gorse la situation. Le 18, l'armée française luttait contre les deux armées prussiennes réunies, ne l'a-t-on pas vue sur le champ de bataille et pourquoi la garde a-t-elle été tenue en dehors du champ de bataille. Elle était séparée de notre armée par le profond ravin des chatels et n'est arrivée qu'à la nuit sur le champ de bataille. Pendant la bataille, ils se reposaient à Plateville.

  • Pourquoi, le 31, a-t-il laissé le 3ème corps depuis, 8 heures du matin, jusqu'à 4 heures du soir aux forces de l'ennemi sans ordonner l'attaque, et pourquoi est il rentré le soir à Metz, sans s'occuper de ce que devenait son armée ? Pour quiconque voudra scruter ces demandes résultera la conviction qu'alors la France eut pu être sauvée. Depuis le 1er septembre, la seule occupation du Maréchal Bazaine a été de démolir pièce à pièce une des plus belles armées du monde et de la conduire à l'horrible catastrophe qui nous... ??? ILLISIBLE tous d'un deuil et de ruines.

FIN  fait le jour de Pâques


 


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