Europe🗼 - Coulombiers selon Jacques

Selon un texte de Jacques Bourlaud : Coulombiers, 66 Route Nationale (2005)

Le fondateur

La propriété de famille de COULOMBIERS est pour nous un lieu mythique où six générations se sont succédées dont quatre ont accumulé des souvenirs d’enfance et une septième commence à se pointer.

Charles Capillon, le fondateur, était le fils de Charles Capillon, originaire de Cloué et qui s’était fixé à Coulombiers comme boulanger où il avait acquis une aisance confortable et une certaine notoriété. Il avait épousé Jeanne Fauchereau, née elle aussi à Cloué. Ils ont eu trois enfants : Charles (le Fondateur) né en 1831 à Coulombiers, Pierre né en 1833 et  Magdeleine-Clémentine née le 8 Mai 1835 à Coulombiers et qui devait épouser plus tard François BOURLAUD.
Il avait beaucoup voyagé et son point d’attache était Paris. Il avait sillonné l’Europe pour représenter la Maison "VEE et GUY, Droguerie médicinale". Il y travaille comme voyageur de commerce jusqu’en 1881 et  prend sa retraite en 1882.

Charles Capillon 1831-1887 Charles Capillon 1831-1887

Entre temps, il a fait quelques achats importants. En 1874, une grange à Coulombiers, démolie depuis, et qui devait se situer à proximité du jardin bas de la prairie ainsi qu’un terrain de cinq hectares à gauche de la route Poitiers-La Rochelle à la sortie de Coulombiers qui a été vendu beaucoup plus tard. Ce devait être situé à l'emplacement du terrain de football actuel, semble-t-il.


Charles et Magdeleine-Clémentine Capillon et François BourlaudMais surtout, en Avril 1879, il achète le terrain et les bâtiments d’une ancienne auberge et y fait construire la maison où il avait l’intention de se retirer. Il nous reste les factures d’achat de meubles et objets divers destinés à emménager, organiser et orner cette maison à son goût. Certains tableaux s’y trouvent encore. Il est décédé à cinquante-six ans le 1° Septembre 1887 laissant un testament daté de 1884 où il lègue tous ses biens à sa sœur épouse de François Bourlaud à charge pour elle de verser une rente viagère à leur mère et à leur frère Pierre au cas où ils lui survivraient. En fait Pierre est mort en Mai 1887 et leur mère en Août de la même année.

Les origines de la propriété

La propriété actuelle et constituée par plusieurs parcelles acquises successivement depuis 1879 jusqu’en 1904.
Le 10 Avril 1879 un accord de vente a été signé entre Félix LAILLAUT et Charles CAPILLON concemant les bâtiments et les terrains attenant à l’ancienne auberge, auberge qui était située à peu près à l'emplacement de la maison actuelle. Les bâtiments, trop vieux, ont été démolis sauf les constructions qui forment l’arrière de la remise actuelle et qui bordent le ruisseau : le toit aux cochons, l’écurie intérieure, la buanderie et l’autre écurie (les toitures de ces deux dernières annexes se sont effondrées il y a quelques années). Par ailleurs la grange est demeurée en place ainsi que le toit aux poules. Les terrains représentent la première prairie et son prolongement marécageux qui a été assaini par des plantations de peupliers, le poulailler, la vigne, le jardin haut et la première partie du bois. Ces quatre lots sont désignés sur les anciens cadastres sous le nom de La Pierrière. Le tout s’arrêtait un petit peu plus au delà de la "Mère Mal aux Dents".

La prairie a une histoire compliquée. C’était une dépendance de la paroisse, donc des "Biens ecclésiastiques" confisqués sous la Révolution et rebaptisés "Biens nationaux". Le premier maire de Coulombiers était un curé "jureur", c’est-à-dire qu’il avait accepté le statut que lui conférait la Constitution civile du clergé (réprouvée par Rome).  Il a mis ce terrain à la disposition de la commune qui en a fait le  "Pré de l’Assemblée", tout en se réservant un petit enclos où il faisait pousser des légumes et qui a été dénommé plus tard "ancien jardin du curé" . C’est le jardin bas de la prairie.


Le pré de l’Assemblée a été morcelé et une parcelle a été acquise par une dame PIDOUX, veuve de René LETEILLER demeurant à Poitiers et vendue aux sieurs DUPRE père et fils en 1814. Ceux-ci l’ont revendue en 1818 au sieur René HILAIRET aubergiste. Une autre parcelle a appartenu au sieur Jean RIVAULT. Cette parcelle a été cédée en 1836 au gendre de René HILAIRET, Jasmin Décadi LAILLAUT.


La troisième parcelle est demeurée "Pré de l’Assemblée" entretenue par la commune au moins jusqu’en 1848, car c’est à l’occasion de l’avènement de la Deuxième République que le Grand Peuplier a été planté. A proximité de l’ancien jardin du curé, il y avait une vieille grange que Charles Capillon a acquise en 1874 et je pense qu’après cet achat, il a dû acquérir ce jardin ainsi que le pré de l’Assemblée, ce qui lui a permis plus tard de constituer la première prairie dans son état actuel.


Plan cadastral du 66 route Nationale à Coulombiers (XIXe siècle)L’ancien jardin du curé a aussi sa petite histoire familiale. Il se trouve en bordure du ruisseau et sur l’autre rive il y a un mur percé d’une porte. Derrière la porte était le couvent des sœurs de la Sagesse qui avaient ouvert une école. Le ruisseau, à ce niveau, présentait un barrage et un lavoir sur sa rive droite. Le  barrage était assorti d’une passerelle que j’ai connue dans les jeunes années et le jardin avait été mis à la disposition des sœurs. Or, lorsque nos tantes étaient des petites filles et venaient en vacances à Coulombiers, elles franchissaient le ruisseau sur la passerelle pour aller dire bonjour aux sœurs qui leur donnaient des gâteaux.

Dans le terrain montant à partir du poulailler pour atteindre la vigne et le jardin haut, il y avait trois grands noyers plus que centenaires qui ont tenu jusqu’en 1938.

La première partie du bois s’est développée sur un terrain qui avait dû être labouré autrefois. On y a laissé pousser de grands arbres dont la plupart subsistent toujours ; on y a aménagé deux allées bordées d’ifs formant ainsi des espèces de tonnelles et surtout on a planté des sapins sur deux rangées parallèles créant une allée qui a partiellement encerclé ce terrain. Il n’en reste plus maintenant qu’un ou deux mais notre père les a connus quand ils étaient encore jeunes et s’amusait en compagnie d’autres garnements de son âge à grimper jusqu’à leur sommet, se mettre à cheval sur une branche et se laisser glisser d’une branche à l’autre jusqu’au sol. A mon époque, il n’y en avait plus qu’un présentant des branches accessibles mais elles étaient trop grosses pour me permettre de m’adonner à ce petit jeu...

Il est probable que ce terrain avait appartenu au comte de FAYOLLES autrefois et qu’il l’aurait vendu à l'aubergiste. Il était propriétaire de la seconde partie du bois (au delà de la Mère Mal aux Dents) et l’a vendu plus tard à notre grand-père. De plus, en 1879, il avait renoncé à un droit de passage accédant par ce terrain, acquis par Charles Capillon, au second bois.

L’aubergiste René HILAIRET est décédé et sa veuve, Radegonde HULIN, a fait établir une donation entre vifs au profit de sa fille Radegonde HILAIRET, épouse de Décadi LAILLAUT qui a hérité ainsi de l’AUBERGE du CHEVAL BLANC.

Aussitôt installé sur ses terres, Charles Capillon a fait construire sa maison. C’est l'entreprise BOURLAUD Frères, déjà bien implantée à Poitiers qui s’en est chargé suivant les plans d’un architecte.  Auprès de la maison ont été édifiées la remise actuelle ainsi que la serre. Un portail prolongé par une grille a été ouvert sur la Route Nationale.

L’évolution de la propriété

Charles Capillon est décédé à cinquante-six ans et n’a pas beaucoup bénéficié de sa propriété qu’il a léguée à sa sœur Madeleine. C’est ainsi que François Bourlaud, son mari, en a assuré la charge jusqu’en 1903.

Il a agrandi la surface en achetant la seconde partie du bois actuel (au delà de la Mère Mal aux Dents) à l'exception d’une parcelle située en bordure du chemin du Four à Chaux appartenant encore à la famille de Fayolle. Pour marquer cette limite, il a fait planter sur une ligne parallèle au chemin des sapins dits "sapins noirs d’Autriche" ;  il en reste peut-être encore un ou deux.
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Cette parcelle a été vendue plus tard, en 1904, et c’est son fils, notre grand-père Charles BOURLAUD, qui l’a acquise et il y a fait planter à son tour une rangée de tilleuls qui ont été longtemps taillés en espalier.

François Bourlaud avait fait installer deux statues de pierre qu’il avait trouvées dans une vieille maison achetée à Poitiers route de Maillochon. La première représente une « Mère de compagnons » ;Coulombiers : la Mère Mal-aux-dents c’était l’hôtesse d’une auberge accueillant des compagnons du Tour de France et un hôte tailleur de pierres et sculpteur aurait payé son écot en lui faisant cadeau de son portrait. Elle a donc été surnommée la « Mère Mal aux Dents ».  L’autre statue, d’une facture beaucoup plus fruste, et réaliste a été dénommé «Père la Colique » .

Par ailleurs, il a aussi entrepris de faire assécher la seconde partie de la prairie, terrain marécageux, en y enfouissant des décharges de débris de  construction (pierres et briques) et en faisant planter à cet endroit des peupliers.

A titre d’anecdote, si le ruisseau a été appelé PALAIS c’est parce qu’il a été très longtemps désigné par le mot PALUS signifiant Marécage.


La serre a été construite pour abriter des orangers pendant l’hiver. Au XlX° siècle et même bien avant c’était la grande mode d’installer dans son jardin des orangers en caisses. Charles Capillon y a pensé car j’ai trouvé une facture datant de 1884 où un horticulteur de Hyères mentionnait la vente de douze "orangers portugais" pour une somme de quarante deux francs emballage compris (six francs) ...

Il est mort en 1903, son fils Charles en 1909 et c’est l'épouse de ce dernier, Marie Gabrielle BOUCHET, qui a pris la succession à la tête de la propriété. Dans la succession de Charles Bourlaud, notre père a reçu la propriété tandis que nos tantes se sont vues attribuer les fermes qui ont été vendues par la suite.

Donc c’est après cette guerre que Gabriel BOURLAUD est devenu propriétaire en titre et c’est lui qui a acheté le terrain qui prolonge actuellement la propriété. Ce terrain comporte deux parties inégales. D’abord, la troisième prairie appelée sur les anciens cadastres "Brin dori" ou "Brin d’auri" désignant alors une plante en jargon poitevin (mais quelle plante ?..) . Enfin, dans le prolongement du bois, en bordure du chemin du Four à Chaux, se trouve une bande  triangulaire en pente étayée par un rocher apparent, suite de la falaise calcaire qui avait été sculptée par le Palais dans des temps très, très, anciens. On avait nommé cet endroit  "La Pointe du Roc" ou aussi "Le Petit Nice" car il était souvent très ensoleillé dans l’après-midi . Mais notre père y avait fait planter des sapins qui, maintenant, ont tout recouvert .

C’est à cette époque qu’a débuté la série de modifications qui ont amélioré les conditions de vie à Coulombiers.

D’abord en 1927 ou 28 l'électricité a été installée sur toute l’étendue des communes de Marçay et de Coulombiers. Elle a donc été établie dans la maison, mais aussi dans la chambre de Joseph (la pièce qui se trouve à droite de la remise du côté du jardin bas) et dans la serre qui était utilisée comme salle à manger d’été. A la suite de cela, notre père a fait mettre en place dans la cave une pompe pour extraire l’eau du puits et alimenter l’évier de la cuisine et le lavabo du cabinet de toilette du rez de chaussée.
Notre grand-mère est décédée le 1° Septembre 1934 et, nos tantes ayant hérité de la maison de Poitiers, la famille s’est installée définitivement à  Coulombiers. Mais notre père n’a pas eu le bonheur d’en profiter car il est mort six mois plus tard à cinquante-quatre ans après une maladie longue et pénible.
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C’est donc notre mère Jeanne BOURDIN qui a pris la charge de la propriété jusqu’en Septembre 1971 où elle me fut attCoulombiers : le Père La-Coliqueribuée. J’ai donc pris officiellement la propriété en mains en 1971 tout en laissant à notre mère l'entière liberté de faire tout ce qu’elle voudrait entreprendre comme avant et cela a duré jusqu’à ce qu’elle nous quitte le 7 Mai 1980 dans sa quatre-vingt-dix-huitième année. Coulombiers est aujourd'hui à Marie-Anne Bourlaud et avec son mari François Colchen, elle s'y est installée définitivement et a entrepris quelques modifications dans l'agencement des pièces de la maison.

Productions et Entretien

La propriété a longtemps offert à la famille un apport alimentaire important. Les trois jardins ont produit toutes sortes de légumes qui étaient consommés sur place ou encore transportés à Poitiers chaque Dimanche soir. Bien cultivés, ces jardins faisaient la fierté des jardiniers qui se sont succédés. Lorsque ceux-ci travaillaient dans le premier jardin bas, ils aimaient bien faire admirer aux passants qui s’arrêtaient sur le pont leurs poireaux ou leurs pommes de terre.
Tout poussait sauf, peut-être, les choux fleurs et les choux de Bruxelles qui ne se sont jamais vraiment épanouis. Pourquoi ?

Actuellement le jardin bas est toujours très bien entretenu et continue à nous fournir des oignons, des choux, des pommes de terre et aussi des courgettes.
L’autre jardin bas, l’ancien «jardin du curé », est cultivé par François qui y fait pousser des fleurs.
Nous avons toujours récolté des fruits dans le jardin du pont : fraises, groseilles, cassis, framboises, raisins de table.
De plus on a toujours planté et soigné des arbres fruitiers : poiriers, pommiers, abricotiers, pruniers, pêchers . Il y a même eu autrefois des cerisiers à l’entrée du bois ; mais comme ils étaient trop vieux, notre père les a fait remplacer par deux jeunes.

Certains pommiers nous ont donné un cidre assez agréable et la vigne a fourni assez longtemps un vin léger très appréciable.

La basse cour était bien peuplée par des poulets, des canards (en particulier des canards de Barbarie), des lapins et quelquefois des pigeons. Nous avons eu aussi un dindon et on m’a dit qu’avant la guerre de 1914/18 il y avait eu un couple de paons... comme à Versailles.

Pour compléter le tableau il faut parler de l’élevage. On a nourri pendant des années des cochons derrière la remise. Leurs successions périodiques nous ont fourni du boudin, du salé et toutes sortes de bonnes choses.  Il y a eu aussi des chèvres et la Mère Marie fabriquait des fromages blancs savoureux . Elles nous donnaient chaque année un « betion » et le chagrin de les voir disparaître s’atténuait le lendemain en voyant leurs restes dans nos assiettes...

Nos essais avec des vaches n’ont pas été couronnés de succès car, n’allant paître que dans un pré bas, elles ne nous ont donné que peu de lait.

Souvenirs

En plus de cent-vingt ans beaucoup d’événements familiaux ont été fêtés à Coulombiers. Je ne sais pas trop ce qui s’est passé autrefois mais je vais citer ceux auxquels j’ai pris part.

D’abord des mariages.
Notre sœur aînée, Germaine Bourlaud a épousé Serge CHAUVIGNE durant l’été 1928. Mariage civil à Poitiers et mariage religieux le lendemain à  Coulombiers. Nous avons défilé sur la Route Nationale, suivant Germaine au bras de son père pour nous rendre à l’église où le vieux curé, Aristide BACQUE, les a reçus. Retour à la maison au bras de son mari . Nous avons été photographiés devant la maison et nous nous sommes réunis sous un «parquet» pour déjeuner . On a dansé jusqu’à une heure très avancée dans la nuit mais je me suis endormi bien avant.


Le mariage de notre seconde sœur, Madeleine, avec Raymond MARGNAC a été beaucoup moins spectaculaire. C’était en 1941 en pleine occupation. Peu de parents ont pu être présents. Moi-même, étant alors à l’Ecole de Santé Navale repliée à Montpellier en zone dite libre, je n’ai pas pu venir mais j’ai été représenté par une certaine Germaine GIRAULT qui, ayant été invitée, a pu faire la connaissance de la famille et recevoir sa bague de fiançailles.


Autres mariages dans les mêmes conditions que celui de Germaine  en 1978, en  2000, en 2004.
En 1927 nos parents ont fêté leurs Noces d’Argent. J ’avais sept ans et en les voyant danser ainsi que nos oncles et tantes, j’ai pensé que ce n’était plus de leur âge... La jeunesse est sans pitié !
Nos Noces d’Argent ont eu lieu dans les mêmes conditions en Septembre 1966, avant notre départ pour le Cameroun. Nos quarante ans de mariage ont été aussi fêtés et nos Noces d’Or, après une messe célébrée à Latillé, ont réuni famille et amis sous un «parquet» dans la prairie. Nos enfants avaient imaginé à cette occasion une revue pour  évoquer nos aventures sentimentales et nos pérégrinations africaines ou autres. Ils en ont profité pour présenter à l'assistance la nouvelle génération qui comptait à l’époque dix-sept petits enfants.

Je ne peux pas clore cette évocation de la maison familiale sans parler d’un événement historique et triomphal : Le 19 Décembre 1991 à 12 heures 40 la FLAMME OLYMPIQUE est passée devant notre maison... (mais je crois bien que ce jour-là il n’y avait personne aux fenêtres pour l'applaudir. . . )




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