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6.
Jacques ✎ Boivre : L'abbaye du Pin
...jacques ✎ boivre : l'abbaye du pin la vallée de la boivre
un roman inédit de jacques bourlaud
illustrations : dessins à la plume de jacques bourlaud
les
nuages épais de novembre s’appesantissaient sur la campagne poitevine,
répandant à travers les bois et les champs des gouttelettes fines,
serrées, obstinées, qui se déposaient lentement sur le sol et
pénétraient jusqu’au cœur de la terre. au creux des sillons s’étalaient
de longues nappes d’eau dont la surface se ridait suivant les caprices
des vents d’ouest. les chemins, qui récoltaient le trop plein des terres
saturées d’humidité, se transformaient peu à peu en fondrières.
la
clarté était faible, bien qu’il soit à peine midi, et le paysage tout
entier semblait devoir stagner encore quelques heures dans la grisaille
avant de s’enliser dans la nuit.
la
route qui menait de parthenay à poitiers n’avait rien à envier aux
chemins creux ; à peine un petit peu plus large, elle n’en était que
plus boueuse. mais le passage fréquent des charrettes avait creusé dans
la glaise des ornières profondes où les roues finissaient par trouver un
sol plus dur. aussi, le coche qui assurait une liaison assez régulière
entre ces deux villes avançait-il, ce jour là , sans trop de peine.
il
restait encore quatre lieues à parcourir pour atteindre poitiers. on
avait déjà pris du retard et il ne fallait plus perdre de temps
maintenant si on voulait arriver avant la nuit ; car la route
s’enfonçait dans les forêts où l’on risquait, dans l’obscurité, de
rencontrer quelques loups en cette saison.
les
deux chevaux qui avaient pris le relais à vasles n’étaient pas
fatigués. habitués à travailler ensemble, ils soutenaient un effort
vigoureux qui faisait progresser le véhicule assez rapidement, sans lui
infliger trop de secousses, du moins lorsque le roulement était bon.
cependant
il importait de les ménager pour leur permettre de poursui...
7.
Jacques ✎ Boivre : La route de Savoie
...re profondément endormi.
- hein ?... quoi ?...
follenfant appliqua brutalement sa main sur la bouche de rochereau avant de lui dire tout bas :
-
lève-toi !.. habille-toi sans faire de bruit !.. tous nos bagages sont
prêts… nos chevaux sont sellés… marche sur tes bas, sans chaussures… tu
mettras tes bottes dans la cour. je t’expliquerai plus tard… il faut
partir immédiatement… prends garde à l’escalier qui craque… descends en
longeant le mur… j’ai laissé de l’argent pour payer ce que nous devons.
ayant
obéi sans chercher à comprendre, rochereau se retrouva bientôt dans la
cour de l’auberge. puis, après avoir enfilé ses bottes, il rejoignit sur
la route le valet d’écurie tenant les chevaux par la bride à deux pas
de follenfant qui embrassait longuement la servante.
les
deux jeunes gens sautèrent en selle pour s’éloigner dans l’obscurité et
dans le brouillard qui s’était levé pendant la nuit au dessus de la
vallée de la saône.
s’étant
placé sur l‘herbe du bas-côté pour ne pas attirer l’attention par une
marche trop bruyante, ils avancèrent d’abord au pas assez longtemps,
puis au petit trot car ils ne pouvaient pas voir très loin devant eux.
-
me diras-tu enfin ce que nous faisons ?...et pourquoi nous sommes
partis si tôt ? aussi furtivement que des voleurs… cria rochereau.
- pendant que tu dormais paisiblement, moi j’ai appris beaucoup de choses…
et follenfant conta à son ami ses aventures de la nuit.
-
j’avais bien deviné que c’était un traître !...s’exclama celui-ci Ã
l’adresse du marchand drapier. est-ce lui qui persécute le petit
philippe ?
-
je ne pense pas… j’ai cru comprendre qu’il y avait encore quelqu’un de
plus haut placé... mais lui, c’est sûrement un gentilhomme dans son pays
parce que les quatre autres lui parlaient chapeau bas.
-
si tu m’avais réveillé quand ceux-là sont partis, nous aurions
...
8.
Jacques ✎ Boivre : La fuite du temps
...eure plus tard, après que philippe et cathy eussent
effectué leurs achats, “l’hirondelle“ repartait, souhaitant aux deux
familles toutes les bénédictions du ciel.
au
début d’avril, follenfant s’était rendu à poitiers pour y percevoir le
montant de sa pension ainsi que celle de rochereau. il revint beaucoup
plus tôt qu’il ne l’avait laissé entendre avant de partir. et c’est au
grand galop qu’il arriva au pin.
parvenu à la hauteur de la maison de rochereau, il arrêta son cheval
devant marika, assez alourdie, qui épluchait des légumes assise sur le
pas de sa porte.
- valentin est-il là ? cria-t-il.
- non…il est aux écuries.
follenfant éperonnant son cheval, repartit sans dire un mot sous le
regard éberlué de marika ainsi que sous les yeux d’anne-lise et de cathy
qui, curieuses, avaient mis le nez à la fenêtre.
follenfant, sans ralentir l’allure, franchit le gué de la boivre puis
remonta l’autre versant de la vallée jusqu’aux champs que rochereau et
lui-même avaient achetés au comte de larnaye et où ils avaient établi
leur élevage.
a peine arrivé, il sauta à terre et tendit les rênes à rigaud.
- où est maître valentin ? demanda-t-il.
- a la forge avec le maréchal… qu’avez-vous donc, maître henri ?...
follenfant ne répondit pas. il se dirigea vers la forgez à grandes
enjambées. il y trouva rocheteau qui regardait ferrer un jeune cheval
rétif dont sébastien et le compagnon du maréchal-ferrant tenait le pied
tandis que philippe parlait doucement à l’animal pour le calmer.
rochereau fut tout de suite frappé par la pâleur et les traits décomposés de son beau-frère.
- que se passe-t-il, henri ?
- monsieur de turenne est mort !
- quoi ?
- un boulet… en allemagne… la tête fracassée…
la nouvelle arrive juste à poitiers…demain, les cloches sonneront le glas dans tous les villages ! ordre du roi…
les deux hommes s’étreignirent puis sâ...
9.
Jacques ✎ Boivre : Par les bois et les chemins creux du Poitou
...€™est un des éperons de philippe ... » déclara follenfant qui fit remarquer que la boucle avait été arrachée de la courroie.
- « ce n’est pas normal !.. » reprit rochereau. on ne perd pas un éperon comme ça ..
la terre est piétinée comme si on avait lutté en cet endroit ...
il faut les rattraper !
nous pensions pouvoir dormir en paix mais ils l’ont trouvé ...
andré ! cours aux écuries !
dis à sébastien de seller nos deux chevaux ! et qu’il les mène à la maison. »
le jeune garçon obéit aussitôt tandis que les deux hommes revenaient à grands pas vers leur domicile.
le temps d’endosser des vêtements plus pratiques, de chausser des bottes, d’accrocher à leur côté les épées qu’ils avaient toujours le droit de porter, étant pensionnés du roi, et déjà les chevaux arrivaient devant leurs portes. sans desserrer les dents, l’air buté et résolu, rochereau et follenfant sautèrent en selle et se dirigèrent vers montreuil en suivant la vallée de la boivre pour gagner du temps.
ils parvinrent assez rapidement au petit bourg dont les maisons basses s’entassaient entre la rivière et la haute falaise que dominaient les restes d’un château médiéval.
rochereau connaissait tout le monde à montreuil ; aussi se dirigea-t-il immédiatement chez le charron qu’il trouva occupé à cercler une roue.
l’artisan, dont l’atelier était trop petit, avait installé sans vergogne tout son attirail sur la route qu’il barrait ainsi à moitié. si un carrosse était passé par là , il n’avait pas pu être inaperçu. c’est ce que rochereau fit remarquer au charron.
celui-ci se gratta la tête.
- « un carrosse noir ... dit-il en patois, avec deux chevaux et un troisième attaché derrière ... un troisième cheval qui ressemble aux vôtres ... un homme à côté du cocher et un laquais par derrière ...oui ... oui ...
il est passé par là , il y a bien une heure ... un peu plus, peut-être ... ils ont pris la route ...