Conteur de la tribu 🗺 - Généa50
Nous sommes des émigrants, des pionniers, des conquérants, nous avons colonisé l’Amérique. Nous nous y sommes pris à trois fois :
- au XVI° siècle (les pionniers d’Acadie)
- au XIX° (les Lucas de Belle-Île vers la Virginie de l’Ouest),
- au XX° (là , c’est mon beau-frère en 1954),
- même peut-être quatre si mon petit-neveu Jonathan y fait souche, car chez lui vient de naître au XXI° siècle une petite New-Yorkaise.
Et je pourrais encore vous conter Tahiti, le Chili, le Japon, l’Algérie et le continent noir où nous avons traîné nos guêtres. Sans oublier Saint-Pétersbourg, le Portugal et la diaspora du Grand dérangement au XVIII° siècle quand les Goddams (ces maudits Anglais …) nous ont déportés. En fait, l’expulsion des nos aïeux acadiens et leur ré-implantation en France, à Belle-Isle-en-Mer, la découverte de leur parcours, c’est bien ce qui a déclenché ma passion pour la généalogie. J’avais 21 ans en 1972 et je suis devenue le conteur de la Tribu. Toutes les tribus en ont un, et c’est ce jour là que j’en ai reçu la marque.
L'origine de la quète
Nous étions tous autour du lit en septembre 1972 quand mon grand-père s’en est allé, ses fils, ses petits-enfants. Madeleine, notre belle-grand-mère, sa seconde épouse, nous a entraînés, nous les 5 petits-enfants, au rez-de-chaussée, dans le magasin « J’ai quelque chose pour vous, c’est votre histoire, votre grand-père avait prévu de vous la confier. Suivez-moi. » Nous sommes descendus encore, à la cave. Elle nous a placés au pied de l’escalier, puis a remonté trois marches. Chaque marche recouvrait un tiroir, chaque contre-marche avait un bouton de bois et une étiquette. Madeleine a ouvert le tiroir « Belle-Île » et en a sorti un dossier. (Je l’ai encore) Je m’en suis emparé, je suis l’aînée, après tout… Madeleine est remontée à l’étage, les trois plus jeunes n'étaient pas passionnés et sont partis explorer les hangars. Je suis restée avec mon cousin Gildas, il a 18 ans, et nous, c’est le dossier que nous avons exploré. Nous n’avons pas vu le temps passer, nous lisions à la seule lumière de l’ampoule qui pendait, assis sur une marche de l’escalier. Dehors, il faisait déjà nuit. Nous lisions.
Notre cousin de Belle-Île-en-Mer, Eugène Guellec, avait assemblé ce dossier et envoyé des copies à tous les chefs de famille de sa cousinade. Notre grand-père était l’un des destinataires. Gildas et moi nous demandions qui de nous deux l’emporterait quand son père nous a départagés : il avait déjà une copie des documents.
Les recherches d'Eugène
Vers 1950, Eugène avait retrouvé, dans de vieux papiers de famille, 5 lettres en provenance de Virginie de l’Ouest envoyées au pays par nos émigrants bellilois de 1854. les lettres s'étalaient de 1865 à 1888. Ce passionné de généalogie a donc exploré les registres bellilois pour connecter les auteurs des lettres à notre famille. Puis il a mené l’enquête pour identifier les cousins d’Amérique contemporains. Et ils les a retrouvés après 100 ans de séparation. Là -bas, de l’autre côté, les cousins américains en ont écrit un livre : A Breton family in America, que j’ai commencé à traduire il y a une décennie, ou peut-être deux… Le livre est épuisé depuis longtemps, je l'avais emprunté, virtuellement, à la Bibliothèque du Congrès où un exemplaire avait été déposé.
Mais ce n’était pas tout. En déroulant les fils de la généalogie belliloise, entre 1950 et 1970, à une époque où l’Acadie n’était pas encore un atout marketing pour le tourisme de l’île, Eugène avait exposé la descendance belliloise des colons acadiens déportés en 1755. Ce devenait passionnant, romantique parce que tragique. Et nous pouvions remonter encore dans l'arbre, jusqu’aux pionniers du nouveau monde.
Nous avions des dates, nous avions des noms, nous avions des histoires et de l’Histoire. Avec Gildas, il ne nous restait plus qu’à raconter.
Je sais bien que ça, c’est une histoire de Bretagne, c’était juste pour expliquer comment lui et moi nous nous sommes impliqués dans la généalogie, comment nous sommes tombés dedans, comment nous avons travaillé ensemble (mais à distance) pendant des années. Pour revenir à la généalogie normande, notre grand-père Georges Cadel le Normand avait rencontré la Bretonne de Belle-Île, Anna Samzun, à Lorient en 1919. C’était elle, la descendante des Acadiens.
Mais bien que je vous sente passionnés, si si si, je ne vais pas vous assommer avec un énième arbre des familles. Par contre, je pourrais vous conter une kyrielle de rencontres avec mes aïeux, ou parfois leurs collatéraux, j’ai dans mon sac de marin des tas d’histoires de la mer. Avec des Normands, et des Bretons, et des Acadiens. Et des bateaux.
Les coureurs des mers
Il y a d’abord eu grand-tonton Augustin Lucas, le Capitaine au long cours, un frère de mon aïeul, né à Belle-Île en 1804. (Voir une courte biographie en annexe)
Puis le jeune frère de mon arrière-grand-mère, Émile Pilard, né en mer, mort en mer (comme dans la chanson d’Alan Stivell).
Leur père Aurèle Pilard, maître voilier, qui participa à l’ère Meiji à la modernisation du Japon. Il y fut envoyé par la France pour contribuer à la création d’une marine de guerre. Il y est mort.
Encore un grand-tonton, frère de mon arrière-arrière… (etc) grand-père, Jean-Jacques Granger, un Acadien déporté par les Anglais, qui finit sur l’échafaud pendant la terreur : sur le navire dont il était capitaine, il avait transporté des Girondins au moment où les Jacobins de Robespierre étaient aux affaires.
Mon arrière-grand-papa, Louis Auguste Cadel, natif de Varouville, a toujours été marin, d’abord au commerce, puis dans la Royale, comme guetteur sémaphoriste, en Normandie, en Algérie, puis en Bretagne.
Son fils, mon grand-père Georges Cadel, un Normand 100 % pur jus qui n’a jamais vécu en Normandie, est né en Algérie, en 1893 et était déjà Cap-Hornier à 13 ans. Marin au commerce, puis dans la Royale et il a fini sa carrière sur le port de pêche de Lorient, comme shipchandler industriel.
Rien que des marins, je vous dis. Avec, plus proches de notre époque, deux drames de la mer : le naufrage du Robert-Marie de Groix en 1949 et la tragédie des essais de Bombard à la barre d’Étel en 1958. Nous y étions, notre famille y était et a vécu toutes ces aventures.
Je suis le conteur de la tribu
Et moi, fille de ces pionniers, de ces aventuriers, coureurs de bois ou coureurs des mers, explorateurs ou mangeurs d’écume, comme toute femme de marin, j’attends au port. Ce qui ne génère chez moi aucune nostalgie, car pour ce qui est de l’appel du large, j’ai le mal de mer sur un ponton flottant, tandis que mon frère a fait le tour du monde en voilier. Comme quoi nous ne sommes pas tous égaux devant la mer, même quand nous avons la même mère.
Je reste donc là "le cul sur la falaise",comme disait mon père, quand il traduisait le poème nature de Lucrèce - de natura rebus, vous savez bien - suave mari magno… Il traduisait à coup de sabre, en vieux loup de mer plus qu’en fin latiniste. Nos conceptions respectives de la version latine ont toujours constitué un point de friction, le seul. Moi, j’aurais dit plutôt : « Il est doux, quand sur la vaste mer le vent soulève les flots d’observer de la rive les périls d’autrui. »
J’observe, donc, et je raconte, de temps à autre. Je raconte mes aïeux et j’essaye de donner de l’étoffe à leurs fantômes. Pour comprendre comment ils ont contribué à ce que nous sommes aujourd’hui.
On trouvera en annexe un de mes cousinages avec Eugène Guellec, toute mon ascendance acadienne, des notices biographiques d’Augustin Lucas et de Jean-Jacques Granger, des récits sur Alain Bombard à Étel et l'histoire du Ducouëdic ...
Un de mes cousinages avec Eugène Guellec
(j’en ai trouvé 8 donc 5 avec des Acadiens)
Nos ancĂŞtres acadiens
Pierre Michel Granger (1769-1817) dans l'arbre ci-dessus est le premier de mes ancêtres acadiens né à Belle-Île. Tous ses ancêtres sont nés en Acadie sur 4 générations. Il est aussi le premier à avoir épousé une non Acadienne, une Belliloise.
Ses parents sont donc natifs d'Acadie, mais s'étaient mariés en exil. Leurs 8 enfants sont tous des enfants de l'exil et leurs lieux de naissance jalonnent ce long chemin d'errance, jusqu'à ce qu'ils fassent souche sur l'île bretonne.
Charles Granger est né le 11 mai 1738 à La Rivière-aux-Canards, Acadie, Nouvelle Écosse, Canada; est mort le 20 novembre 1795 à Bangor, Belle-Isle-en-Mer, Morbihan, France.
Marie-Madeleine Daigre est née le 14 janvier 1735 à La Rivière-aux-Canards, Acadie, Nouvelle Écosse, Canada; est morte le 22 septembre 1808 à Le Palais, Belle-Isle-en-Mer, Morbihan, France.
Charles a épousé Marie Madeleine le 26 décembre 1757 à Falmouth, Cornouailles, Royaume-Uni et ils ont eu pour enfants :
1 - Jean Baptiste Charles Granger est né le 20 février 1760 à Falmouth, Cornouailles, Royaume-Uni; est mort en 1837 à Bangor, Belle-Isle-en-Mer, Morbihan, France.
2 - Simon Joseph Granger est né le 9 mai 1762 à Falmouth, Cornouailles, Royaume-Uni; est mort en 1803 à Bangor, Belle-Isle-en-Mer, Morbihan, France.
3 - Pierre Mathurin Granger est né le 12 juillet 1764 à Morlaix, Finistère, France; est mort en 1803.
4 - Jacques Étienne Granger est né le 26 décembre 1766 à Bangor, Belle-Isle-en-Mer, Morbihan, France; est mort en 1814 en France.
5 - Pierre Michel Granger est né le 16 février 1769 à Bangor, Belle-Isle-en-Mer, Morbihan, France; est mort le 20 novembre 1817 à Sauzon, Belle-Isle-en-Mer, Morbihan, France.
6 - Marie Madeleine Granger est née le 1 octobre 1771 à Bangor, Belle-Isle-en-Mer, Morbihan, France; est morte en 1853 à Palais, Belle-Isle-en-Mer, Morbihan, France.
7 - Marguerite Suzanne Granger est née le 22 août 1774 à Bangor, Belle-Isle-en-Mer, Morbihan, France; est morte le 31 juillet 1814 à Palais, Belle-Isle-en-Mer, Morbihan, France.
8 - Mathurin Laurent Granger est né le 3 août 1777 à Bangor, Belle-Isle-en-Mer, Morbihan, France; est mort en 1840 à Bangor, Belle-Isle-en-Mer, Morbihan, France.
Jean-Jacques Granger
Jean-Jacques Granger était un enfant de Charles et Françoise Leblanc. Je suis descendante à la fois de son frère Charles et de sa sœur Françoise. (les boules vertes sont mes sosas et les boules jaunes des sosas avec implexes)
Jean-Jacques Granger est né à La Rivière-aux-Canards en Acadie, le 4 avril 1753. Déporté en Virginie pendant le Grand Dérangement de 1755, puis en 1756 à Falmouth en Angleterre, là où mourra son père Charles. En 1763, traversée vers la France, la famille s’installe à Morlaix jusqu’à obtenir un afféagement à Belle-Île, N° 7 de Bangor.
L'afféagement selon Wikipédia : À partir de 1765, 78 familles d’Acadiens réfugiés du « grand dérangement » de 1755 s’installent à Belle-Île.
C’est l’occasion d’une grande entreprise de révision foncière appelée « afféagement » et de la levée d’un cadastre, un des seuls qui soit antérieur au cadastre napoléonien. Pour faciliter le redressement de l’île et encourager les volontaires bellilois, ainsi que les réfugiés, à cultiver la terre, des concessions valant titre de propriété sont attribuées à chaque famille : dix hectares de terres labourables, une maison d’un modèle uniforme, une aire à battre, une grange, des semences, des ustensiles et un pécule. Les terres de Belle-Île qui appartiennent au roi leur sont ainsi données. Une grande partie des anciennes familles belliloises encore présentes sur l’île aujourd’hui possède des Acadiens dans leur généalogie.
Jean-Jacques Granger s’établit marchand à Vannes, où il épouse en 1775 Perrine Valy dont il aura une fille, Julienne, l’année suivante. Le 3 décembre 1779, il cède à son frère Charles les terres belliloises qui lui reviennent, puis prend des parts dans un navire de commerce dont il devient capitaine. En 1793, l’armateur principal du brick L’Industrie lui demande de prendre à son bord quelques passagers, en sus de la cargaison habituelle et de les mener à l’île de Ré. En cours de route, la destination devient Bordeaux. En remontant l’estuaire de la Gironde, il se fait arrêter et réalise alors que ses passagers sont des députés Girondins fuyant les règlements de compte de Robespierre. Jean-Jacques est arrêté, et au terme d’une instruction de plusieurs semaines, condamné à la guillotine. Le jugement et son exécution sont du 28 novembre 1793.
Je cherche encore les traces de sa fille Julienne qui se serait mariée avec un René Éveno à Monterblanc, dans le Morbihan.
Augustin Lucas
On retrouve parmi les enfants de Jean-Marie Lucas et Marie-Anne SĂ©veno (par ordre d'apparition Ă l'Ă©cran) :
- Le capitaine Augustin Lucas (dont aventures ci-après)
- Jean-Louis Victor Lucas, mon aïeul, parti en éclaireur aux États-Unis en 1850, pour finalement décider de revenir à Belle-Île
- François Lucas, l'autre capitaine au long cours qu'on croisera dans les aventures exotiques d'Augustin.
- Marie-Louise Lucas, qui avec son mari Pascal fera souche en Virginie de l'Ouest
- Isabelle Lucas, la tante Bab qui les a accompagnés
- Louise Lucas, qui avec son mari Jean-François Briel, apparaît dans l'épisode du navire école d'Augustin
Augustin Lucas, frère de mon aïeul Jean-Louis Victor, est né à Belle-Île en 1804. Il lui est connu tant d’aventures qu’on dirait qu’il est plusieurs. Capitaine au long cours, il a fait ses études à Rochefort. En 1838, il trouve enfin le financement d’un projet de longue date : un navire-école pour officiers de la marine marchande sur un voilier qui fera le tour du monde. Enfin qui aurait dû, car l’expédition tourne court quand le 23 juin 1840, il perd le navire en baie de Valparaiso, par un échouage que les experts estimeront volontaire. Il laisse sur le carreau élèves et professeurs qui devront se débrouiller pour rentrer en Europe, tandis qu’il disparaît en embarquant sur le navire de son frère François, qui justement passait par là . Comme dans ses autres aventures, Augustin voyage en famille : à bord du navire-école, il avait embarqué avec femme et enfants, ainsi qu'avec sa sœur Louise et son beau-frère Jean-François Briel.
On retrouve les frères Lucas en Nouvelle-Zélande où depuis 1839 le jeune François s’était établi et s’adonnait à la spéculation foncière. Il avait décidé de nombreux parents îliens à quitter Belle-Île pour la Nouvelle-Zélande. Mais en février 1840, les Anglais annexent la Nouvelle-Zélande et finissent par annuler les actes de vente des Français.
Les frères Lucas, eux, avaient depuis longtemps disparu du paysage.
On trace ensuite Augustin à Sydney où il est l’auteur de la première photographie du pays, puis vers Tahiti, aux îles Gambier en 1841. Les activités de la famille comprennent l’armement, le commerce de coquillages, un bazar et la politique. Augustin essaye de se faire nommer consul, invoquant l’avantage de son amitié avec la reine Pomaré. Là , il a dépassé les bornes et en 1848, le capitaine Lucas et sa famille sont contraints de quitter Tahiti et de rentrer en France.
Augustin refait surface en 1849 en Virginie de l’Ouest, où il achète de la forêt pour l’exploiter. Il fait de mauvaises affaires, doit tout vendre et vient habiter Cincinnati vers 1851. Il y est probablement mort vers 1854, mais les archives de la ville ont brûlé. Cette même année 1854 voit l’arrivée de son beau-frère Pascal et de sa famille, à Cincinnati, précisément.
Bombard et le drame d’Étel.
Le 3 octobre 1958, mon oncle André est sur le quai à Étel. Il représente une entreprise lorientaise d’accastillage industriel. Mon grand-père Georges en est le directeur et a été convié aux essais en conditions extrêmes du canot de survie inventé par Alain Bombard.
Alain Bombard invite mon oncle à embarquer, mais il refuse. Par contre le mousse de notre chalutier répond à l’appel et mourra noyé. Mon grand-père, même s'il n'était pas à Étel ce jour-là , se l'est toujours reproché car il s’estimait responsable de la sécurité du garçon.
Alain Bombard s’en est sorti parce qu’il portait un de ces gilets de sauvetage de l'armée de l'air américaine surnommés familièrement Mae West, car lorsqu’ils se gonflaient, on les comparait aux avantages de l’actrice. Il était seul à porter ce gilet, il n'en avait pas pourvu ceux qu'’il allait entraîner dans la mort ce jour maudit du 3 octobre 1958. 9 hommes sont morts noyés, ceux qui testaient le canot et des sauveteurs en mer venus à leurs secours.
Comme pour les habitants d’Étel, notre famille a toujours considéré que ce n’était pas une simple fortune de mer, qu’'il y avait eu là imprudence criminelle, même si la justice en a décidé autrement. Le magasin de mon grand-père était le seul de ce type sur l’aire lorientaise. Il n'y a jamais été distribué de produit Bombard. Nous assurions la vente et la révision de canots de survie Plastimo, entreprise créée à Lorient en 1963.
Alain Bombard est mort en 2005 Ă Toulon.
Le navire Ducouëdic
A part le papier à en-tête du Ducouëdic pour quelques lettres de Mam, ma grand-mère, je ne savais rien de cette épopée jusqu'à ce que je commence à classer les 16000 photos de famille que mon mari avait scannées. Et là , je tombe sur une quinzaine de photos du Ducouëdic qui font remonter à ma mémoire des éléments épars de discussions familiales et me décident à tirer sur le fil qui dépasse de mon écheveau de souvenirs. Je vous raconterai donc ce que j'en ai découvert avec l'aide de Gildas qui a trouvé un gros dossier dans les papiers de son père.
Jusqu'au début de 1946, le chalutier était réquisitionné et sa pêche allait toute à l'État Français dans des conditions juridiques que je n'ai pas encore élucidées. Selon les lettres de Mam, le 19 novembre 1945, le Ducouëdic pêchait en Méditerranée pour l'État Français et le 10 janvier 1946, il pêchait depuis son port d'attache de Concarneau pour le compte de son armateur.
Dans la nuit du 31 décembre 1948 au 1er janvier 1949, l'équipage recueille dans la rade de Lorient un marin, Robert Layec, qui dérivait depuis une demi-heure accroché à une bouée et qui déclare être le seul survivant de l'équipage du Robert-Marie, un petit chalutier qui venait de couler. 9 hommes sur 10 avaient disparu, noyés. Aux affaires maritimes, on enregistra les déclarations de Paul Le Grel, le capitaine du Ducouëdic et de Robert Layec, le marin rescapé du Robert-Marie. L'affaire est classée comme fortune de mer. Sauf que l'armateur du petit chalutier, Robert Laffite, lance alors depuis sa radio une grave accusation : que le Robert-Marie avait été éperonné par un bateau inconnu, qui, au fil des heures se transforme en Ducouëdic. Il récuse les déclarations de son marin et du capitaine du Ducouëdic, qu'il accuse de connivence et porte plainte. Une enquête est ouverte, le Ducouëdic est consigné à quai plusieurs mois, les procédures judiciaires durent plusieurs années. Il faudra aller jusqu'en cassation pour que le Ducouëdic soit blanchi, que la parole des marins soit reconnue et Robert Lafitte condamné pour diffamation.
L'enquĂŞte de Harry Grey
En septembre 1949, le journaliste d'investigation Harry Grey publie dans deux numéros successifs de l'hebdo Détective les résultats de son enquête sur le naufrage. Il conclue qu'il s'agissait bien de fortune de mer et qu'il n'y a jamais eu d'abordage.
Le Ducouëdic en 1911